anicule oblige, les participants au dixième symposium d'Å“nologie de Bordeaux ont reçu, en prime des actes du colloque, une serviette en microfibre, afin de s'éponger après s'être rafraîchis au miroir d'eau de la place de la Bourse. Après cette mise en situation, les scientifiques étaient prêts pour dérouler les multiples conséquences envisageables du changement climatique. A terme, « il y aura un chevauchement des conditions climatiques entre les régions, l'éventail des températures va se réduire entre les vignobles » annonce Nathalie Ollat (université de Bordeaux), se basant sur les dernières projections climatiques du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (le GIEC). Les multiples effets sur la vigne de ce changement peuvent déjà être pronostiqués : avancement du cycle phénologique (de 30 à 40 jours en 2100), modification nutritionnelle (activité photosynthétique, absorption racinaire...), augmentation des phénomènes de stress hydrique (avec une moindre pluviométrie estivale), impact sur le métabolisme (et donc les maturités polyphénoliques et technologiques), nouveaux équilibres de l'écosystème (notamment les parasites et maladies)...
Si cette liste peut encore être étoffée, il est bien difficile de préciser quels seront réellement les effet combinés de ces paramètres. Entre réactions et interdépendances, le résultat de cocktail est difficile à prédire explique Eric Gomes (université de Bordeaux). Pour lui, « le changement climatique va toucher tous les facteurs de stress en même temps, et pas de manière indépendante ». Pour relier les effets entre eux, il a participé à une expérience d'application de stress multiples sur des vignes en conditions contrôlées (serres à Pampelune, en Navarre). Faisant varier l'état hydrique, la concentration de gaz carbonique, la température et même l'exposition aux rayons Ultra-Violet*, ces expériences ont démontré que « parfois, un facteur de stress peut partiellement réduire les impacts négatifs d'un autre » explique Eric Gomez.
Si ces expériences sont toujours en cours (et limitées par un dispositif forcément artificiel), on peut déjà projeter que « les vignobles septentrionaux vont se trouver dans des conditions de ceux méridionaux, ils pourront utiliser l'expérience des vignobles méridionaux pour s'adapter » estime Nathalie Ollat, pour qui « la composante humaine reste la plus importante. La perception du changement climatique par les acteurs de la filière est la clé, notamment pour gérer leurs spécificités régionales (système d'indications géographiques et usages viti-vinicoles). Sans oublier l'acceptation par les consommateurs de nouveaux profils de vins... »
Ces enjeux seront au cÅ“ur du symposium sur la « production durable de raisins et de vins dans le contexte du changement climatique » qui se tiendra du10 au 13 avril 2016 à Bordeaux. Devrait y être présenté le travail de prospective conduit par FranceAgriMer et l'INAO (aujourd'hui, cinq scénarios sont étudiés : aucun changement n'est décidé par la filière, ou une stratégie conservatrice fige la réglementation de production, ou l'innovation permet de maintenir l'activité viticole en l'état, ou la viticulture devient nomade et s'adapte aux nouvelles frontières climatiques, ou le système est entièrement libéralisé).
* : le changement climatique devrait conduire à une moindre de couverture nuageuse.
[Photo : Conférence de Nathalie Ollat ce 29 juin au Palais de la Bourse de Bordeaux]