Italie, du vrac à la bouteille en 15 ans : le chemin à suivre [pour l'Espagne] ? » se demande, avec une envie affichée, le dernier rapport de l'Observatoire Espagnol du Marché du Vin. Pourtant, l'Espagne est devenue en 2014 le premier pays exportateur de vins en volume, doublant l'Italie. Mais le vignoble ibérique a la victoire modeste, pour ne pas dire maussade. Avec un volume expédié en hausse de 22 % par rapport à 2013 pour un chiffre d'affaires en repli de 5 % (à respectivement 22,6 millions d'hectolitres et 2,6 milliards d'euros), la performance espagnole est en effet mitigée. D'autant plus au regard des résultats italiens*, avec un volume quasiment identique pour un chiffre d'affaires double (20,5 millions hl pour 5,1 milliards €, soit +1,1 et +1,4 %). Conséquence de l'abondante récolte hispanique en 2013, le vrac pèse pour 57 % des volumes exportés par l'Espagne en 2014 (pour 20 % de la valeur dégagée). Pour l'Italie, le vrac ne représente que 28 % des volumes (pour 8 % du chiffre d'affaires).
Cette différence est récente selon l'OeMV, qui rappelle qu'en l'an 2000 l'Italie et l'Espagne expédiaient une part équivalente de vins en vrac (moins de 50 % en volumes), et affichaient surtout un prix de vente moyen à l'export globalement identique (141 €/hl). Selon les analystes espagnols, l'origine de la situation actuelle se trouve dans le détournement italien de la demande française de vins en vrac au profit de l'Espagne.Envoyant 3 millions hl de vrac en l'an 2000 vers la France, l'Italie en expédie aujourd'hui moins de 500 000 hl. A l'inverse, les expéditions espagnoles sont passée en 15 ans de 1 million à 4 millions hl de vrac vers la France (soit 80 % des importations françaises de vrac, voir graphique ci-dessous).
Se dégageant du marché français, l'Italie a cependant maintenu les expéditions en vrac vers l'Allemagne (maintenues à moins de 3 millions hl, pour une valeur en hausse de 50 % à 150 millions €). Le vignoble transalpin a surtout développé ses expéditions de bouteilles vers les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada (ses trois principaux clients en valeur). La mode des vins effervescents a également joué sur cette réorientation italienne, les cavas espagnols en profitant également. Au final, « il est possible de changer un approvisionnement de vins bons marchés envoyés en France par des ventes de bouteilles et des expéditions de vrac plus valorisées sur les autres marchés » estime avec optimisme l'OeMV.
Il est cependant à noter que l'expérience export des vignobles espagnols et italiens est très diffente, notamment en terme de maturité. En quinze ans les exportations italiennes se sont finalement consolidées en valeur (+106 %) et peu développées en volume (+16 %). En comparaison, le vignoble espagnol semble avoir fini d'émerger, ses volumes ayant finalement bondi (+154 %) à peine plus vite que la valeur (+110 %).
* : d'après les données OIV, la France a exporté 14,4 millions hl de vins pour 7,7 milliards € (-1,1 et -1,3 %).
[Photo : Marcello Mastroianni dans Otto e mezzo, film de Federico Fellini (1963) ; Graphique : OeMV]