Quand on sort de la place de Bordeaux, on prend une bouffée d'air ! » s'exclame Philippe Hébrard, le directeur des caves de Rauzan et Grangeneuve, qui reste agréablement surpris par « des opérateurs en Languedoc qui recherchent et trouvent de la qualité sur le millésime 2014. Eux ne veulent pas vous allumer pour rattraper la hausse des cours en 2013... »
La campagne 2014-2015 étant finie pour lui (95 % des volumes vrac ayant été positionnés), il regarde de loin la guerre de prix qui agite le tonneau de Bordeaux. Mais, il reste marqué par l'ambiance de match retour qui anime encore une partie de la place de Bordeaux : « il est désagréable de voir certains négociants, qui nous demandaient d'adopter une démarche responsable pour la filière l'an dernier, essayer maintenant de spéculer à la baisse sur les cours. On les entend dire que les transactions se font à 1 100 € le tonneau... Et pourquoi pas 1 050 € ? »
Pour l'assemblée générale statutaire de la cave de Rauzan et Grangeneuve de vendredi 27 mars, Philippe Hébrard se fait déjà un malin plaisir de pouvoir afficher un prix moyen supérieur de 10 % aux moyennes fournies par le CIVB : « en réalité, les ventes se sont faites sur des bases de 1 300 €/tonneau [de Bordeaux rouge]. Si certains négociants n'ont pas un bon esprit, d'autres sont sérieux et savent que les stocks de cette campagne restent bas. Pour nous, la situation est claire : si vous ne mettez pas le prix, nous n'échantillonnons même pas ! »
Mais, face à ses apporteurs-adhérents, le directeur devra sans nul doute revenir et expliquer la campagne précédente. Alors que les cours de Bordeaux ont globalement augmenté de 20 %, les coopératives ont affiché des cours inférieurs à la moyenne du CIVB. Ce positionnement tarifaire n'est pas pour plaire aux coopérateurs, qui cherchent à avoir des performances commerciales toujours supérieures aux caves indépendantes.
Le discours pédagogique est déjà rôdé sur le sujet, mettant en avant les partenariats passés avec le négoce et la politique de mise en marché rapide pour éviter une hausse incontrôlée des cours. « Globalement les revenus des apporteurs des caves de Gironde seront moindre pour 2013, mais, à Rauzan, nous sommes arrivés à les maintenir en baissant les charges, en utilisant le Volume Complémentaire Individuel (VCI) et en sollicitant notre assurance (grêle en 2013) » détaille Philippe Hébrard.
Premier opérateur de l'AOC Bordeaux, les caves de Rauzan Grangeneuve ont produit 165 000 hectolitres de vins en 2014 avec 3 130 hectares de vignes. Son chiffre d'affaires sur la campagne 2013-2014 s'est élevé à 29,3 millions d'euros (20 % commercialisé en bouteille, 80 % négocié en vrac). Axant sa stratégie commerciale sur la valorisation, les caves de Rauzan misent sur la différenciation par les investissements dans l'outil de production (1,3 million euros par an), le positionnement produits (crémants, clairets...) et les démarches durables (certification Agriconfiance volet vert, norme AFAQ ISO 26 000...).
[Photo de Philippe Hébrard : Vitisphere]