ouvent jugés opportunistes et hors de prix, les grands crus bordelais semblaient voués au désamour des marchés depuis l'accalmie de la demande asiatique et le contre-coup persistant de la crise économique mondiale. Un dédain qui pourrait avoir fait son temps : le cours de certains grands crus classés de Bordeaux affichent d'importantes hausses, concentrées en décembre et janvier rapporte Liv-Ex. La bourse internationale des grands crus voit dans ce rebond l'effet direct de la révision, en décembre dernier, des notes du millésime 2005 par l'incontournable Robert Parker. Le critique américain a notamment fait passer la note du château Mouton Rothschild (Pauillac) de 96 à 98+, ce qui a poussé son prix à la hausse de 13 % sur le seul mois de janvier (à 4 180 £ la caisse) et entraîné une hausse de nombreuses cuvées de ce millésime : +20 % pour La Mission Haut-Brion, +8 % pour le château Latour, +7 % pour le château Haut-Brion... Ce phénomène remet au centre de l'actualité l'effet Robert Parker, témoignant que son influence est loin d'être passée.
« Initialement inquiet par les niveaux de tanins du millésime 2005 », le fondateur du Wine Advocate confiait en 2012 que la concentration de ces vins nécessiterait du temps et qu'il regrettait de les avoir sous-estimés. Occulté depuis par la ferveur entourant les primeurs 2009-2011, le millésime 2005 revient donc sur le devant de la scène dix ans après. Ce retour en grâce doit cependant être pondéré, la demande du marché des vins fins restant incertaine sur le long terme (comme le rapportait récemment Decanter). Sur la première semaine de février, Liv-Ex enregistre ainsi un repli de la demande pour l'ensemble des grands vins de Bordeaux, à l'exception notable du château Mouton Rothschild (qui pèserait à lui seul pour 9,4 % de la valeur enregistrée par l'indice global). Combinée à la dernière note de Robert Parker, l'approche du nouvel an chinois (ce 19 février) pourrait expliquer cette performance, l'année de la chèvre pouvant être particulièrement bénéfique au château Mouton Rothschild (dont l'emblème est un bélier).
Cette hypothèse semble se confirmer par la vente aux enchères de la maison Sotheby's à Hong Kong, qui a vendu cette fin janvier l'intégralité des vins provenant directement du château Mouton Rothschild (dont une verticale 1945-2012 adjugée 376 900 dollars américains, soit 333 000 euros). Des précautions dont ne s'embarrassent pas Guy Ruston (directeur de Bordeaux Index Hong Kong), qui estime que « les prix de Bordeaux sont revenus au niveau de 2010 », comme le rapporte le Financial Times.
* : la croissance des cotations concernerait essentiellement les premiers grands crus classés de Bordeaux. L'indice plus large Bordeaux 500 de Liv-Ex n'ayant que peu augmenté sur la période (mais il a cessé de décroître depuis l'été 2014).
[Photo de Robert Parker : eRobertParker.com]