L'exportation n'est plus réellement une option stratégique, mais une nécessité pour les entreprises [du vin] étant donné la baisse de la consommation de notre marché intérieur » posait d'emblée Ludivine Duval (pôle agricole et agro-alimentaire du Crédit Agricole), présentant une étude sur les facteurs de performance à l'export*. Sur les 120 entreprises viticoles questionnées (sélectionnées pour avoir un chiffre d'affaires de plus de 2 millions d'euros), il est vrai que seules 30 n'avaient pas d'activité à l'export (au sens de l'INSEE : au moins 5 % du chiffre d'affaires), et souhaitaient quasiment toutes développer cette activité dans les 5 prochaines années. Pour estimer la performance à l'export d'une entreprise exportatrice, les analystes ont demandé aux sondés d'estimer les différences de marges et de coûts entre leurs activités à l'export et celles sur le marché français.
D'après les résultats de l'étude, ce sont les orientations stratégiques qui permettraient de discriminer les performances à l'export entre opérateurs. L'adaptation du produit aux marchés est ainsi un facteur de succès (changement de nom, de l'assemblage...), plus que la traditionnelle stratégie d'amont : l'entreprise cherchant un marché/des consommateurs correspondant à ses vins, en terme de profil organoleptique comme de prix. Les sondés font d'ailleurs du rapport qualité/prix leur premier souci, pour conserver de la compétitivité. « Beaucoup pensent suivre une stratégie de marque (commerciale), ils sont davantage en stratégie de terroir. Couplés, ces deux éléments sont un levier de réussite à l'international. Pour palier à l'absence de marque, une gamme permet à l'entreprise d'être plus performante que celle qui présente une référence unique »
L'étude montre également que les choix de marchés tiennent plus de la réaction que de la pro-activité, les marchés prioritaires étant choisis au gré des salons professionnels (de manière régulière pour 68 % des sondés), ou des études fournies par les interprofessions (42 %), ou des commandes donnant l'idée de se développer (32 %), ou... l'intuition (28 %). « Ceux qui équilibrent bien les approches d'opportunisme commercial et d'analyse de données économiques sont les plus performants », note Ludivine Duval. A noter que si l'Union Européenne est un marché incontournable (83 % des sondés placent un pays européen parmi leurs trois premières destinations), les investissements se font aujourd'hui en Amérique du Nord et en Asie.
Plus étonnant : les facteurs structurels de l'entreprise n'auraient pas d'effet sur les performances export, que ce soit le type d'entreprise (négoce, vigneron, coopérative...), le taux d'export (la part du chiffre d'affaires réalisée à l'export), la concentration sur un marché (par rapport à la diversification), l'expérience sur les marchés (l'ancienneté, même si la crédibilité peut jouer), ou même le bassin de production. Serait, par contre, discriminant le chiffre d'affaires réalisé à l'export, « l'activité export nécessite d'avoir atteint un certain seuil pour permettre à l'entreprise de dégager des bénéfices suffisants. »
* : étude en partie réalisée avec WineIntelligence et présentée ce 2 février lors de l'assemblée générale de la Fédération des Caves Vinicoles d'Aquitaine.
[Illustration : Le Serrurier, gravure de Jean Leclerc (BNF)]