'il trouve impropre le terme, Patrick Ducournau concède que la filière viti-vinicole connaît « un développement technologique décalé par rapport à d'autres activités agroalimentaires, la solidité et la stabilité du produit n'ayant pas obligé à l'évolution technique ». Fils de céréalier ayant d'abord travaillé dans l'élevage avant de s'orienter vers l'œnologie, Patrick Ducournau a eu plusieurs vies professionnelles : vigneron à Madiran, breveteur de la micro-oxygénation, fondateur de l'entreprise Oenodev, puis de Boisé France et enfin de Vivélys (après le rachat de Sféris, ayant développé Dyostem). Mais il semble n'avoir toujours suivi qu'un objectif : améliorer les performances de l'outil de production, pour que le vin fini corresponde aux objectifs initiaux. Il semble également s'être toujours heurté au même obstacle : « l'approche rationnelle du vin est confondue avec celle industrielle ».
Ce qui a fait naître une théorie socio-culturelle dans l'esprit de Patrick Ducournau : « le monde du vin attire des gens qui ne sont pas favorables à la maîtrise du procédé. J'aime beaucoup leurs côtés passionnés, créatifs... Mais ils manquent de rigueur. » Un reproche qui n'est d'ailleurs pas réservé aux pratiquants des viticultures alternatives : « il peut y avoir des chimistes passéistes et des biodynamistes avant-gardistes »*. S'il s'en défend, Patrick Ducournau reconnaît bien le danger de l'uniformisation des vins, mais seulement dans le cas où « la technologie n'est pas utilisée pour diversifier l'offre, mais pour réduire les coûts. En augmentant les rendements, mais aussi en écrasant ce qui fait la spécificité des vins. Il faut se battre contre cette mauvaise industrialisation ! »
Fervent défenseur des approches rationnelles et précises, Patrick Ducournau ne pouvait donc qu'être enthousiaste face au développement des viticultures et œnologies de précision, portées par une pléiade de moyens de détection. Mais s'il prédit une révolution culturelle, les nouvelles technologies en seront le moyen et non la fin. Du moins quand elles auront achevé de mûrir : « on est passés d'un système historique relativement bien réglé (avec un certain nombre de pratiques mises au point par des générations successives) à de nouvelles techniques, qui ne sont pas toujours accompagnées d'un savoir-faire ». Il en veut pour preuve le déséquilibre entre l'offre (en capteurs, cartographies...) et sa sous-utilisation. « Nous vivons une époque intéressante, avec une vraie remise en cause. Ma carrière aura consisté à démonter le réveil et le remonter pour qu'il donne l'heure exacte » conclut-il.
S'il ferme un chapitre de sa vie professionnelle en quittant début 2015 Vivélys (racheté cet été par le groupe Oeneo), il ne manque pas d'envie ni de projets. Il est actuellement persuadé que la filière manque un outil de Gestion de la Production Assistée par Ordinateur (GPAO) qui lui soit spécialement dédié.
* : Patrick Ducournau s'étant lui-même essayé à la biodynamie du temps où il était vigneron.
[Photo : Vivelys]