Il n'est pas question d'embarquer sans biscuit » dit un proverbe marin, pour la flotte impériale russe, le mot d'ordre semblait plutôt être : « pas question d'embarquer sans Bisquit » ! C'est du moins ce qu'il ressort de l'histoire tout sauf banale d'une barrique de cognac acheté en 1916 par l'Empire Russe et revenu 98 ans plus tard au siège de la marque Bisquit. A l'époque de l'Alliance Franco-Russe, les cognacs de la maison Bisquit-Dubouché avaient su gagner les faveurs du tsar Alexandre III, puis de son fils Nicolas II. Les temps de guerre n'y ayant rien fait, la consommation impériale nécessitait un approvisionnement continu. Fin 1916, la goélette suédoise Jönköping était affrétée pour ravitailler l'état major de l'Armée Impériale en Champagne (3 000 bouteilles de Heidsieck), vins bourguignons (17 pièces) et cognacs (67 tierçons, soit des tonneaux de 560 litres). Mais la nuit du 3 novembre 1916, elle était coulée par le sous-marin allemand U 22, à proximité de la Finlande. Découverte dans la mer Baltique en 1997 par des chercheurs de trésors suédois, l'épave a été renflouée dès l'année suivante (photo), remettant à jour sa précieuse cargaison. Si l'équivalent de 40 000 litres de cognac s'était dilué dans les courants marins, les tonneaux étaient globalement préservés.
Et, comme ici le flacon importe plus que l'ivresse, le hasard a permis à l'actuelle maison Bisquit de remettre main sur l'un de ses anciens tierçons. Par l'un de ses membres, l'association des Gabarriers de Saint Simon avait en sa possession une de ces barriques (récupérée à l'époque par le groupe Pernod-Ricard et depuis remise à neuf par un artisan charentais). Depuis ce 3 novembre, ce tierçon a rejoint le cabinet des curiosités du château Pellisson, où il trône parmi les reliques retraçant l'histoire de la maison fondée en 1819 par Alexandre Bisquit. Rachetée au groupe Pernod-Ricard en 2009, la maison Bisquit appartient actuellement au groupe sud-africain Distell. Son volume de commercialisation dépasse aujourd'hui les 100 000 caisses par an, l'objectif étant de le tripler pour 2020 (cliquer ici pour en savoir plus).
[Photos : le tierçon au château Pellisson ce début novembre et le renflouement de la goélette Jönköping à l'été 1998 ; Maison Bisquit]