uelques jours seulement avant que l’Organisation internationale de la Vigne et du Vin publie ses estimations officielles de récolte, la banque néerlandaise Rabobank livre un premier bilan de la récolte mondiale en 2014 et des orientations en matière de prix du vrac et d’exportations (cliquer ici pour en savoir plus).
Selon les estimations de la Rabobank, la production mondiale de raisins de cuve en 2014 devrait être inférieure à celle de l’an dernier, la baisse se situant dans une fourchette de l’ordre de –2 à –4%. Rappelons qu’en 2013, la production de vin (hors jus et moûts) au niveau mondial était estimée par l’OIV à 278,6 millions d’hectolitres, soit +24 Mhl par rapport à 2012. La quasi-totalité des pays/régions de production accusent un recul de leur production cette année, à commencer par l’Union européenne. La France exceptée, les autres principaux pays producteurs mondiaux que sont l’Espagne et l’Italie prévoient des baisses respectives d’environ 25% et 15%. En Espagne, le ministère de l’Agriculture situe la production 2014 aux alentours de 40-43 Mhl, en retrait de 24% par rapport à 2013, qui fut – pour mémoire – une année de récolte record (53,5 Mhl). Les prévisions à la mi-septembre émanant de l’organisme italien Ismea font état d’une production de 41 Mhl cette année en Italie. La régression s’explique notamment par une baisse des volumes en Sicile et conduira à une situation plus tendue au niveau des stocks, note la Rabobank. Pour la France, cette dernière se félicite d’une production plus quantitative et plus qualitative qu’en 2013 dans la plupart des régions, le seul bémol portant sur le Languedoc-Roussillon où la baisse des volumes limite les disponibilités de vins en vrac. La récolte portugaise devrait accuser, quant à elle, un recul d’environ 6% par rapport à l’an dernier pour s’élever à 5,9 Mhl, tandis qu’en Allemagne, le Deutsche Weininstitut a publié une estimation de récolte de 9,1 Mhl, en progression par rapport aux 8,4 Mhl produits en 2013.
Enfin, pour terminer sur l’Hémisphère nord, la production américaine sera certes inférieure à la récolte record de 2013 (-5 à -10% selon la Rabobank), mais restera d’un niveau élevé, supérieur à la plupart des récoltes antérieures à 2012. La production 2014, conjuguée à plusieurs récoltes abondantes, exacerbe des disponibilités déjà élevées. Néanmoins, d’après la Rabobank, la menace que fait peser la sécheresse sur le potentiel de production futur atténue les craintes de surproduction. Est-ce en raison des disponibilités importantes de vins américains et notamment californiens sur le marché domestique ? Toujours est-il que les importations de vins aux USA entre janvier et juillet 2014 ont reculé de 1% en volume, tout en progressant de 5% en valeur.
Des disponibilités suffisantes dans l’Hémisphère sud
Dans l’Hémisphère sud, malgré une récolte de raisins de cuve (1,7 million de tonnes) inférieure de 7% à celle de 2013 et une production de vins équivalente à environ 12 Mhl (-2%), les disponibilités en Australie restent extrêmement abondantes. En témoigne le prix du raisin de cuve pratiqué cette année : selon le ‘Vintage Report’ de la Winemakers’ Federation of Australia, le prix moyen national à la tonne est passé de 499 AUD en 2013 à 441 AUD (environ 300 euros), soit une baisse de 12%, avec quelques exceptions dans les régions les plus qualitatives et pour les cépages les plus recherchés, note la Rabobank. La Nouvelle-Zélande poursuit son ascension quantitative, avec une récolte en hausse de 29% à 445 000 tonnes. Même si les prix pondérés des raisins de cuve sont restés stables dans la plupart des régions productrices, les prix moyens à l’exportation sont quant à eux en régression : la banque néerlandaise note une augmentation de 16,1% des volumes exportés pour une progression de 13,9% des valeurs. En cause, une nouvelle hausse de la part du vrac. A contrario, la baisse significative de la production au Chili (-22,8% comparé à 2013) liée notamment aux gelées tardives, a entraîné un fort recul des exportations de vins en vrac (-24%) au cours du premier semestre 2014. Reste que selon l’analyse de la Rabobank, le niveau des stocks au Chili est suffisant pour répondre à la quasi-totalité de la demande actuelle. Il en va de même en Argentine, en dépit d’une baisse de récolte estimée à 8% cette année. « La production se situe, malgré tout, à un bon niveau, et l’offre est largement disponible ». La répartition à l’export entre les expéditions conditionnées et le vrac évolue en faveur de ce dernier, avec un impact positif sur les prix moyens des exportations en bouteilles. L’affaiblissement de la monnaie argentine depuis le début de l’année est de bon augure pour les exportations de vins en vrac, estime la Rabobank, et pourrait permettre aux exportateurs de récupérer des pertes liées à l’inflation subies au cours des dernières années.
L’équilibre se profile à l’horizon
Au niveau mondial, la société de courtage international Ciatti observe dans son rapport mensuel d’octobre que ces estimations de récolte commencent à avoir un impact positif sur les échanges de vins en vrac. « Au cours du mois écoulé, les ventes ont légèrement repris, notamment à la lumière des prévisions de récolte moins optimistes sur le plan des volumes pour l’Hémisphère nord ». Certes, Ciatti souligne des disponibilités importantes dans la plupart des pays à l’heure actuelle, mais il prédit une transition vers une situation plus équilibrée à l’avenir.
Chute des stocks en Castille La Manche
En Espagne, ce que l’association des jeunes agriculteurs ASAJA qualifie de « bon fonctionnement » du marché du vin au cours des derniers mois (avec un record des exportations en juillet), s’est traduit par une réduction importante des stocks. Dans la région de Castille-La Manche (56% de la production nationale en 2014 avec 22,5-23 Mhl, selon les coopératives agricoles), les stocks au 31 juillet s’élevaient à 10,4 Mhl (-43% comparés à fin mars 2014), un niveau jugé suffisamment correct pour éviter la mise en place d’une mesure de distillation envisagée auparavant. Soulignons toutefois, que l’augmentation des ventes de vins en vrac s’est accompagnée d’une chute de 35% des prix moyens, d’après les données de la Rabobank. Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, l’Afrique du Sud a sans doute subi le contrecoup de la progression des exportations espagnoles et de leur positionnement prix attractif. Même si la Rabobank cite d’autres facteurs, comme une certaine tension en matière de disponibilités liées aux performances des vins sud-africains à l’export en 2013, l’Afrique du Sud a néanmoins vu ses exportations de vins en vrac chuter de 27,5% au cours des douze derniers mois.
Enfin, l’Italie a également consenti une baisse significative de ses prix moyens au cours du premier semestre 2014, ce qui n’a pas empêché ses exportations de vins en vrac d’accuser un recul de 2,4%.
Préoccupations en Languedoc
Globalement, la Rabobank affirme que les prix des vins en vrac semblent être stabilisés. C’est le cas des blancs génériques en Espagne, en Afrique du Sud et en Australie, seule l’Italie ayant affiché une augmentation des prix en septembre. Plus globalement, la France fait figure d’exception à cette stabilité générale suite à une faible récolte en 2013 associée à une baisse de la production languedocienne cette année. Tel est le cas pour les prix des principaux cépages suivis par la Rabobank, à savoir le chardonnay et le cabernet-sauvignon. Selon l’analyse de Ciatti, les difficultés auxquelles le Languedoc a dû faire face cette année ont exacerbé la pression sur le marché des vins rouges colorés à fort degré et celui des vins de cépage qualitatifs à base de chardonnay et de sauvignon ainsi que les vins de cépage rosés. « Les acheteurs cherchent à sécuriser leurs approvisionnements le plus rapidement possible. La plupart des acheteurs de vins en vrac sont relativement préoccupés par la montée en flèche des prix par rapport à 2013 qui pourrait mettre à mal les marchés d’exportation et entraîner la perte de parts de marché en faveur d’autres pays fournisseurs », conclut Ciatti.
Rappelons que le marché mondial du vin en vrac sera au cœur des débats lors de la World Bulk Wine Exhibition qui se tiendra les 24 et 25 novembre prochain à Amsterdam.