remier employeur français de vendangeurs avec plus de 100 000 saisonniers pour 34 000 hectares d'AOC*, le bassin de Champagne se trouve actuellement au centre d'une effervescence inhabituelle : la satisfaction d'une récolte généreuse (le rendement moyen atteindrait les 13 000 kg/ha) étant voilée par les révélations d'abus sur la main d'oeuvre saisonnière. Paru ce 10 septembre l'article « Varsovie-en-Champagne » du Canard enchaîné a ouvert la boîte de Pandore, dressant une satire de ces propriétaires champenois ayant « détesté le plombier, mais [qui] aujourd'hui adorent le vendangeur polonais » pour « généraliser la rémunération à la tâche et non plus au SMIC horaire. Encore moins avec heures supplémentaires et majoration le dimanche, ce qui fut longtemps la règle. » Un tableau à la Zola qui vient d'être illustré par l'ouverture d'une « enquête pour traite d’êtres humains et travail dissimulé par le parquet de Châlons-en-Champagne, après la découverte à Fleury-la-Rivière (Marne) de 240 vendangeurs polonais logés dans des conditions indignes » rapporte une dépêche de l'AFP (notamment reprise par Terre de Vins).
Suite à ces publications, « on n’ira pas jusqu’à prétendre que les vendangeurs polonais sont rétribués de manière tout à fait équitable » résume le professeur belge Fabrizio Bucella (IWD). Des articles également lus par le Syndicat Général des Vignerons (SGV, l'Organisme de Défense et de Gestion de l'appellation Champagne), qui a fait part de son indignation face à « ce type de pratiques inadmissibles et indignes ». Une condamnation assortie d'une « possibilité de se porter partie civile pour atteinte à l’image de l’AOC Champagne ». Sur le terrain, les réactions champenoises sont contrastées face à ces gros titres, un viticulteur se désolant que seule la Champagne soit stigmatisée pour des excès qui ne lui sont pas exclusifs (et regrettant l'amalgame fait entre son vignoble et la poussée du Front National), tandis qu'un vinificateur se félicite que la dimension sociale des vendanges soit rappelée à des collègues parfois désinvoltes.
Des affaires qui tombent d'autant plus mal que la filière se mobilise actuellement face aux rumeurs de suppression du contrat vendange (cliquer ici pour en savoir plus).
* : Le vignoble d'appellation champenoise est vendangé à la main, le décret d'appellation imposant que les raisins soient « transportés entiers jusqu'aux installations de pressurage », un maintien d'intégrité encore difficilement atteignable avec une machine à vendanger.
[Photo : Collection CIVC (Roiter Fulvio)]