isparités du millésime, alors les vignerons corses n'espèrent qu'une chose, l'arrêt des pluies et l'installation d'un ensoleillement estival jusqu'aux prochaines vendanges, leurs camarades du Languedoc scrutent les bulletins météo à la recherche d'averses soulageant leurs vignes d'un stress hydrique qui s'est installé précocément et n'en finit plus. Depuis l'an 2000 les phénomènes de sécheresse se sont banalisés sur le bassin méditerranéen, « on le constate sans pouvoir dire s'il s'agit d'une conséquence durable du réchauffement climatique. » nous confiait récemment le docteur Hernán Ojeda (directeur de l'unité expérimentale de Pech Rouge).
Quelle qu'en soit l'origine, la question de l'adaptation des pratiques et matériels viticoles à ce nouvel état de fait se pose désormais avec insistance. C'était même tout le sujet d'un colloque de l'Institut Français de la Vigne et du Vin lors du dernier SIVAL, qui s'est tenu en janvier dernier mais n'a rien perdu de son actualité. Dans sa présentation, Nathalie Ollat (ISVV INRA) se penchait notamment sur le paradoxe de « différences entre cépages et entre porte-greffes empiriquement valorisées dans les différentes régions viticoles [alors que] peu de données permettent de caractériser objectivement l’adaptation à la sécheresse pour les cépages et les porte-greffes ».
La chercheuse constatait que si « la vigne est reconnue comme une plante bien adaptée à la sécheresse », c'est grâce à son « système racinaire profond et de son efficience à contrôler ses pertes en eau », aptitudes reliées respectivement au porte-greffe et au cépage. D'après la bibliographie (et leur utilisation généralisée dans le Sud de la France), « les hybrides Rupestris x Berlandieri sont donnés comme les plus résistants [aux contraintes hydriques] », comme le 110 Richter ou le 140 Ruggieri (voir ci-dessous le tableau de classification des porte-greffes de la vigne en fonction de leur niveau d’adaptation à la sécheresse réalisé par Nathalie Ollat à partir des travaux de trois chercheurs). Ces aptitudes dépendent évidement du pouvoir d’enracinement du porte-greffe, mais également de son aptitude au transfert de l'eau vers les organes aériens.
En ce qui concerne les cépages, l'adaptation à la contrainte hydrique (soit le maintien d'un rendement et d'un qualité de raisins) se mesurerait en « terme de régulation des pertes en eau par transpiration et du rapport entre perte en eau et biomasse produite, encore appelé efficience de l’eau ». La régulation de la transpiration passe par la gestion de la fermeture des stomates (pores foliaires permettant les flux gazeux), qui peut soit être très rapide et maintient le potentiel hydrique des feuilles (cépages isohydriques), soit plus lente et permet à la photosynthèse de se poursuivre (cépages anisohydriques). Cette classification reste cependant limitée, Nathalie Ollat soulignant que « de nombreux autres paramètres peuvent jouer sur la régulation de l’ouverture stomatique ». Estimant que « l'enherbement, le choix des cépages et porte-greffes ne permettent que de compenser une partie des effets de la sécheresse » Hernán Ojeda estime quant à lui « qu'au-delà d'un certain seuil n'y a pas d'autre solution que l'irrigation ».
[Photo : effet de la sécheresse sur un cep de syrah ; INRA UMR-LEPSE]