Je n'ai pas vu passer le décret, mais tout le monde fait comme s'il était déjà acté » nous confiait récemment le responsable d'une distillerie vinicole, oscillant entre résignation et incertitude. D'après une source ministérielle, l'arrêté mettant un terme à 70 ans obligation d'apport en distilleries des marcs, lies et bourbes a bien été signé par les ministres de l'Agriculture (Stéphane Le Foll), de l'Economie (Michel Sapin) et du Budget (Christian Eckert) . Il ne manque plus que la signature du premier ministre Manuel Valls pour qu'il soit publié au Journal Officiel dans les prochains jours. Le ministère de l'Agriculture aura bien maintenu son décret malgré l'avis majoritairement négatif du Conseil Spécialisé Vins de FranceAgriMer (cliquer ici pour en savoir plus). D'après des sources concordantes, le dispositif serait mis en place dès ce premier août, s'appliquant donc dès les prochaines vendanges.
Au lieu de livrer les marcs et lies aux cinquante distilleries françaises, les vignerons pourront désormais choisir d'éliminer leurs sous-produits de vinification par épandage, compostage ou méthanisation. La Coordination Rurale dénonce déjà « un piège imposant aux viticulteurs, qui veulent composter leurs marcs pour les épandre, de nombreuses normes et analyses du produit, conduisant à des infractions en cas de contrôle (pesée, analyse de la teneur en alcool...). » Et d'annoncer qu'il « est certain que compte tenu des coûts de fonctionnement de ces structures, la baisse du volume de marcs et de lies livrés entraînera la fin de la distillation en France ». Pour éviter ces difficultés annoncées, le directeur général de FranceAgriMer a annoncé travailler sur la mise en place de subventions (dans le cadre de l'OCM vitivinicole 2014-2018) pour soutenir les « distilleries qui participent à la valorisation des sous-produits de la vinification en les distillant pour la production de biocarburants et pour les usages industriels ». Le Conseil Spécialisé Vin de FranceAgriMer a également voté pour l’enregistrement des opérateurs éliminant les marcs et lies, ainsi que des laboratoires d’analyses les suivant.
[Illustration : bassin de décantation de la distillerie coopérative de Murviel-lès-Béziers (Région Languedoc-Roussillon)]