Je voudrais voir un peu plus de courtoisie. Si j'avais un espoir, ce serait que nous soyons plus soudés et allions ensemble de l'avant comme des passionnés de vins » plaidait le critique américain Robert Parker Junior (66 ans) devant un parterre de ses confrères, à l'occasion de la dixième édition du Symposium des Ecrivains Professionnels du Vins. Présent dans l'audience, le journaliste Richard Jennings a rapporté sur son blog RJonwine de nombreux extraits de l'intervention de Robert Parker (les citations de cet article en sont issues). Il est aussi revenu sur le cran du fondateur du Wine Advocate, qui s'est retrouvé face à nombre de ses détracteurs. Si Robert Parker a assuré ne pas en vouloir « à ceux qui ont écrit de méchantes choses, parce que cela vient de leur passion », il a défendu mordicus son système de notation des vins, ainsi que son désintérêt pour les vins naturels ou à faible teneur en alcool. Allant jusqu'à estimer que « l'histoire me donnera raison », Robert Parker avait un petit air de « Richard Nixon ou de Dick Cheney* » pour Richard Jennings.
Ayant déjà prédit « une résistance croissante aux vins très coûteux de millésimes médiocres, comme ceux européens de 2011, 2012 et 2013 » lors de ses vœux, Robert Parker a évoqué lors de cette conférence le vignoble girondin (qu'il continue de couvrir, comme la côte nord de la Californie). Pour lui, « Bordeaux connaît un terrible, terrible passage à vide actuellement. Ils auraient déjà dû baisser les prix à la sortie de précédents millésimes. » Se défendant par avance de lyncher le millésime 2013 de Bordeaux, il a précisé être un « francophile, tout que j'ai appris sur le vin m'a été enseigné en France ». Ayant commencé son activité de critique professionnel en 1978 (« alors que Mohammed Ali boxait encore ») avec la volonté d'avoir « une approche indépendante et centrée sur le consommateur », il était devenu le critique incontournable grâce au millésime 1982 de Bordeaux, déclenchant une « guerre civile à qui aurait raison [sur le millésime] entre ce petit nouveau débarqué de nul part [qui défendait 1982] et les critiques estimés et établis [qui l'enterrait] ».
Interpellé sur la ''parkersiation'' du goût des vins, Robert Parker a jugé que son « pouvoir avait été exagéré par les médias », ajoutant n'avoir jamais été « capable de faire ou défaire un domaine ». Pour le gourou du vin, la notion de ''parkersiation'' dérive du concept de ''peynaudisation'', « dans les années 1960, l'œnologue Emile Peynaud était très influent [...] des gens ont commencé à dire que tous les vins se ressemblaient ». Ce qu'il juge être « une grossière erreur, une tentative de mettre dans une petite case mes goûts », ajoutant « croire que l'intensité aromatique est primordiale […], il faut du potentiel, de la richesse, de l'intensité. Sinon le vin s'effondrera parce qu'il n'y a rien pour le soutenir. Je cherche des vins qui seront meilleurs dans cinq à dix ans qu'ils ne le sont actuellement. »
* : tous deux sont des hommes politiques américain (du Parti Républicain), le premier était le président des Etats-Unis de 1969 à 1974, le second en a été le vice-président de 2001 à 2009]
[Photo de Robert Parker ce 19 février à Medowood : Napa Valley Vintners trade association]