e 13 juin, la Cour de justice de l’Union Européenne condamnait la France pour « son incapacité à lutter contre la pollution des eaux par les nitrates ». Annonçant une possible amende, cette décision de justice souligne de nombreux « manquements aux dispositions de la directive nitrates », notamment des insuffisances dans la désignation des zones vulnérables pour la protection des eaux (et ce malgré l'extension de zones de décembre dernier). Pour donner à Bruxelles des gages de bonne volonté, le ministère de l'Agriculture annonce pour septembre un arrêté précisant de nouvelles mesures. Dévoilé à la fin de l'année dernière, ce cinquième programme national interdirait tout type de fertilisation, aussi bien minérale qu'organique, dès lors qu'une parcelle agricole aurait une pente supérieure à 10 % et se trouvant dans une zone classée sensible.
« C'est aussi basique que ça, et ça ne repose sur aucune réalité agronomique » déplore Denis Velut (champagnes Jean Velut, à Montgueux), le référent de la commission technique et environnement au Syndicat Général des Vignerons de Champagne. Les départements de l'Aube et de la Marne étant intégralement classés en zones vulnérables, 40 % du vignoble champenois pourrait se voir interdit de fertilisation azotée (soit 13 500 hectares). « Ce n'est pas en broyant des sarments que l'on maîtrisera la vigueur de la vigne » annonce Denis Velut. Selon lui, « si l'on arrête tout apport d'azote, les raisins vont diminuer en quantité, ce qui sera une perte économique sèche pour toute la région. Les raisins vont également perdre en qualité. Lors de la vinification, pour mener à bien les fermentations en vinification, vaut-il mieux travailler avec l'azote naturel des raisins ou en rajouter ? »
Si d'autres vignobles (Alsace, Croze-Hermitage, Côtes de Provence...) sont concernés, la mobilisation est pour l'instant concentrée dans le vignoble champenois, où le Syndicat Général des Vignerons se mobilise fortement (pour en savoir plus, cliquer ici). D'après la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (la CNAOC), le Ministre de l'Agriculture « s’est montré ouvert à un aménagement pour la viticulture, mais a refusé toute possibilité d’exclusion de la vigne ». Souhaitant la création d'un groupe de travail viticole, la CNAOC appelle également « à la mobilisation lors de la prochaine consultation publique obligatoire ». Denis Velut estime que « les autorités nationales sont conscientes qu'il y a un problème » et « espère une sortie par le haut, comme lors de la négociation du quatrième programme de la directive nitrates ».
Mais il regrette surtout que les expérimentations et efforts (des viticulteurs comme des distributeurs) ne soient pas reconnus, « le vignoble champenois apporte peu d'azote, 50 à 60 unités par hectare annuellement. Et nous avons réduit de moitié les apports sur la décennie, en privilégiant les matières organiques brutes à dégradation lente (compost, écorces...). Ces apports ne sont d'ailleurs pas tant pour la fertilisation que pour la gestion de l'érosion et de la structure du sol». Ces intrants permettent également de limiter les transferts de polluants (principalement phytosanitaires) vers les nappes phréatiques et rivières. Denis Velut signale que l'arrêt de la fertilisation azotée mettrait un arrêt à l'enherbement des vignes. Car « l'implantation d'herbe induit une consommation d'azote qui concurrence la vigne. S'il n'y a plus d'apport azoté, la première réaction du vigneron sera de détruire cet enherbement. Cette technique est assez récente dans notre vignoble, mais elle limite les transferts de toutes sortes dans les pentes (érosion, polluants), régule la vigueur de la vigne et donc la sensibilité aux maladies. »
[Illustration : Côteaux d'Aÿ en 1887, Dossier de Candidature des Coteaux de Champagne à l'UNESCO]