es raisons de manifester la colère agricole ne manquent pas cette fin d’année : remise en cause de la gestion sanitaire de la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC), rejet de l’accord commercial du Mercosur (dont l’examen européen est reporté à janvier), mais aussi la réforme budgétaire de la prochaine Politique Agricole Commune (PAC), l’augmentation du prix des engrais avec le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF)… Et la crise viticole, comme en témoignent les élèves du lycée agricole Pierre Le Roy de Boiseaumarié à Orange (Vaucluse). Ce jeudi 18 décembre, une centaine de lycéens et BTS se sont mobilisés dès l’aube selon les élèves pour mettre en place un barrage filtrant à l’entrée de l’établissement. Venant de sept classes, de la seconde au BTS en passant par les alternants, « nous étions le quart des 400 apprenants du lycée. Nous avons bloqué la route qui mène au lycée, en laissant passer les livraisons de produit frais pour la cantine, les élèves et profs n’avaient pas accès au parking, mais pouvaient se garer à côté pour venir à pied, le but n’était pas d’empêcher l’accès » rapporte Morgue Evan, élève en terminale en bac pro pour la conduite et la gestion d’une exploitation vitivinicole.
Sollicitée par Vitisphere, la préfecture du Vaucluse rapporte pour sa part « une trentaine de manifestants a été recensée au lycée agricole, la manifestation s'est terminée dans le calme, aucun incident à signaler ». Ayant brûlé des ceps de vigne et des pneus dans une ambiance bon enfant, les manifestants ont pris cette initiative la veille, dans la lignée des actions qui secouent actuellement le monde agricole inquiet pour son avenir. « Nous manifestons à cause de la PAC, de la dermatose, du Mercosur... Et contre la crise viticole. Notre inquiétude est l’avenir incertain pour nous, les jeunes, dans l’agriculture » explique Morgue Evan, notant dans la filière vin les sujets du plan d’arrachage ou « des ventes de vin à des prix totalement cassés en grande distribution, qui n’amortissent même pas les charges, on vend à perte ».
Interpellant autant les pouvoirs publics que les professionnels du secteur, la question posée par cette manifestation est celle de l’avenir que la filière vin peut offrir et promettre aux jeunes qui se forment pour la rejoindre. « Ce qu’on exige, c’est qu’on nous garantisse un avenir » rapporte Morgue Evan au nom de ses camarades d’études : « nous ne sommes pas rassurés, c’est pour ça qu’on manifeste notre inquiétude et que l’on veut faire bouger les choses. Il va falloir de grands changements et beaucoup de soutien. On cherche du réconfort des échelons supérieurs, nationaux et européens. Que l’on ait au moins des réponses à nos questions. » S’il n’y a pas de nouvelle action prévue dans l’immédiat, d’autres manifestations pourraient être envisagées selon l’évolution de la situation par les élèves du lycée Pierre Le Roy de Boiseaumarié.
Un nom porteur de sens dans la filière vin, le baron Leroy étant le père des vins AOC avec le sénateur Joseph Capus il y a 90 ans. Dans son poème "les ennemis de la vigne", Pierre Le Roy de Boiseaumarié écrivait le siècle dernier sur le cycle infini de difficultés de la filière vin : « le viticulteur, ceint de la grâce divin,
Croit goûter à jamais la douceur angevine.
Mais il avait compté sans le gouvernement
Qui de calamités aggrava son tourment ! » Il n'est jamais trop tard pour changer de disque et soutenir plutôt qu'affaiblir.

Le barrage filtrant empêchait le passage des voitures, mais pas des personnes rejoignant l'établissement à pied. Photo : Ludivine Helmer.
Des professeurs ont rejoint les manifestants lors de la mobilisation. Photo : Evan Morgue.




