ubliant ce 9 décembre son rapport "Alcool sur les réseaux sociaux : des influenceurs qui se jouent de la loi", l’association Addictions France (ex-ANPAA) tire la sonnette d’alarme dans sa communication avec « 16 730 publications problématiques observées sur Instagram et TikTok depuis juin 2021 », dont « plus de 5 000 contenus pro-alcool identifiés sur les réseaux sociaux depuis 1 an », malgré « des moyens limités face à un phénomène hors de contrôle sur ces plateformes : la promotion de l’alcool ». Annonçant ouvrir de nouvelles actions judiciaires à l’encontre d’influenceurs*, l’association « regrette l’inertie politique qui laisse le champ libre aux influenceurs et aux marques », et estime qu’« il est urgent d’interdire toute forme de publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux et d’instaurer des sanctions réellement dissuasives ».
Une demande disproportionnée et déconnectée des réalités pour Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, qui appelle à mettre en perspective les 16 730 posts épinglés sur cinq années par rapport aux millions de publications quotidiennes sur Instagram, Tik Tok… « Est-ce qu’Addictions France ne force pas le trait ? Quand ils parlent de raz de marée, ce serait plutôt une goutte d’eau » estime-t-il, ajoutant qu’« un jeune n’ayant aucun lien ni intérêt pour la gastronomie et l’art de vivre a une probabilité quasi nulle de voir une publicité liée au monde du vin. Ce sont des arguments proches de la mauvaise foi d’Addictions France. » L’intérêt des jeunes pour les boissons alcoolisées en général se réduisant et n’étant pas lié au développement des réseaux sociaux ajoute Samuel Montgermont, citant l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) pour souligner « le quasi triplement depuis 2000 de la part des adolescents qui n’ont jamais bu d’alcool à 17 ans » en 2022.
Dénonçant une volonté d’Addictions France de « rendre le vin invisible », le négociant rhodanien voit dans ces publications et déclarations de l’association « un chiffon rouge agité, alors qu’il n’existe pas, et ce afin de diaboliser une filière et dénormaliser encore plus la consommation de vin ». Le président de Vin & Société estime même qu’Addictions France sort ici de sa mission de lutte contre les comportements addictifs en voulant réduire toute présence des boissons alcoolisées, comme « dans les publications bourrées de raccourcis où ils parlaient de la composition des vins sans savoir de quoi il est question » tacle-t-il, rappelant également son budget de 130 millions € d’aides publiques pour relativiser le manque de moyens d’Addictions France.
Retour à l’envoyeur
Ces réactions de Vin & Société ne sont pas pour convaincre Myriam Savy, la directrice de la communication et du plaidoyer d’Addictions France, qui répond point par point à Vitisphere. L’exposition des jeunes à des publications valorisant l’alcool est réelle et massive alors que « 79 % des 15-21 ans indiquent voir des publicités pour de l’alcool toutes les semaines sur les réseaux sociaux » d’après une étude quantitative de l’École des Hautes Études en Santé Publique de 2023 (auprès de 1 917 Français de 15 à 21 ans). Au sujet des 16 730 publications épinglées, « ce sont seulement celles que nous sommes en capacité d’identifier » indique Myriam Savy. Qui explique que les 130 millions € de dotations publiques permettent de gérer les centres d’addictologie pour personnes accompagnées par l’association : « Vin & Société doit méconnaitre le financement du monde médico-social. Cette dotation globale ne finance pas nos actions de plaidoyer et de suivi de la loi Évin » détaille-t-elle, ajoutant que « les pouvoirs publics reconnaissent notre rôle pour faire respecter loi Évin ».
Alors qu’il y aurait 150 000 influenceurs en France, « on observe seulement la partie émergée de l’iceberg » ajoute-t-elle, expliquant qu’Addictions France est préoccupée par l’aspect daté de la loi Évin. Si cette dernière a interdit à sa création en 1991 la publicité sur les alcools à la TV et au cinéma, comme il s’agissait à l’époque des médias les plus utilisés par les jeunes, il faut désormais cibler les nouveaux supports à la mode, explique la directrice du plaidoyer de l’association. Une approche en ligne avec les mission d’Addictions France pour Myriam Savy : « Vin & Société méconnait notre objet social qui est d’accompagner les personnes et de faire de la prévention », ce qui passe par « la création d’un environnement favorable avec les questions liées à la publicité, les prix des produits et leur accessibilité produits, qui font partie de la politique de prévention ».
Défendant une approche de santé publique rationnelle face au fléau de l’alcoolisme (40 % des 90 000 personnes soignées par l’association), la directrice de communication répète que « notre rôle est de faire de la prévention. On ne dit à aucun moment qu’il faut arrêter de boire de l’alcool. Il faut informer les personnes sur les risques liés à la consommation d’alcool (pas plus de 2 verres par jour et pas tous les jours) ». Une information qui passe pour elle par la publication controversée sur les ingrédients, qui vulgarisait un dossier déjà discuté de l’UFC Que Choisir. Sans distinction entre consommations modérées et excessives, il reste un objectif global pour Addictions France : « il faut réduire la consommation d’alcool de manière générale » pour réduire les risques sociétaux, sans être « pour l’interdiction et la prohibition, on sait que ça ne marche pas » précise Myriam Savy. Qui glisse ne pas comprendre la levée de boucliers de Vin & Société en réaction à son rapport : « le vin est assez peu concerné sur les publications pour les alcools. Ceux qui font le plus appel à des influenceurs sont les spiritueux et les brasseurs… »
* : « Avec cette action qui, pour la première fois, concerne des contenus éphémères, nous espérons mettre un coup d’arrêt à ce type de contournement. Aujourd'hui 73% des contenus que nous analysons sont des stories » indique Franck Lecas, le responsable juridique d’Addictions France.




