Souhaitant conserver l'anonymat, ce vigneron Lotois a d'abord été étonné lorsqu'il a reçu son avis d'imposition cet automne. Le montant n'a quasiment pas changé entre 2024 et 2025. Dans le détail, il observe que sa Taxe sur le Foncier Non Bâti (TFNB) relative à ses anciennes parcelles de vignes, aujourd'hui nues après arrachage, est restée stable soit l'équivalent d'un peu plus de 900 euros. « Je me suis d'abord dit que cela devait compter pour 2024 », confie le vigneron, qui après réflexions et renseignements pris n'a plus eu de doute. Il s'agit bien de la taxe pour 2025 et l'arrachage de ses vignes, 5 ha, n'a pas été pris en compte. Après cette première surprise, il s'est acquitté de l'impôt et mis cette incohérence administrative de côté. Pourquoi ne pas avoir contesté ? En effet, il n'a rien produit en 2025. « On a tellement l'habitude de payer. C'est un peu la fatalité », explique-t-il. Et puis, il venait d'arracher ses vignes, de tout arrêter : « On veut tourner la page ». D'autres vignerons contactés expliquent être dans la même situation, et ne pas avoir souhaité émettre de réclamation, par peur de se tromper dans les calculs, parce que les vignes arrachées n'étaient pas à eux, parce qu'ils se se sentent solidaires des collectivités pour qui cette TFNB représente une part du budget. En gros, ils acceptent de payer.
Le vigneron témoignant anonymement a tout de même rempli et renvoyé un formulaire administratif (un CERFA, pour Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs) aux services des impôts pour signaler le changement. « Mais, précise-t-il. Je pense l'avoir fait trop tard, cela sera pris en compte l'année prochaine ». Ce document, qui permettait de bénéficier d'un dégrèvement au prorata (sur six mois si la vigne a été arrachée en juillet par exemple) devait être envoyé, « après la déclaration de fin de travaux aux douanes », se souvient Nicolas Fournié, vice-président du syndicat de défense du vin AOC Cahors. « Mais suffisamment tôt pour que cela puisse être pris en compte. »
Cette proposition reste imparfaite. En effet, les vignerons-propriétaires payent tout de même une taxe foncière non bâtie pour des vignes, à un coefficient supérieur à de la terre arable, sur une partie de l'année, alors qu'ils n'ont rien produit. Mais elle permettait tout de même de réduire un peu l'impôt. « Nous avions transmis l'information à travers le syndicat, mais étant tous très occupés, je pense que tout le monde ne l'a pas fait », analyse Nicolas Fournié, vigneron-coopérateur à la cave de Vinovalie.
Puis, le sujet n'a pas fait beaucoup de bruit. « A mes yeux, ce n'était pas la priorité, tente d'expliquer le vigneron-coopérateur. Et puis, dans l'ensemble, il y avait beaucoup de vignes arrachées qui étaient en fermage. Du coup, le producteur ne reçoit pas la taxe foncière. » Enfin, certains vignerons ont pu penser aux collectivités. « On se rend compte qu'on va leur enlever des impôts alors que les communes rurales n'ont pas beaucoup de ressources. À Anglars-Juillac [un des villages où il s'est arraché un grand nombre de vignes, NDLR], le maire, nous a dit qu'il allait perdre 18 000 euros d'impôts. On peut imaginer que c'est le salaire d'un smicard », songe Nicolas Fournié qui se souvient de la subvention de trois communautés de communes du Lot destinée aux viticulteurs (750 000 euros sur trois ans). « Je me dis aussi que ce n'est pas ce combat qui va sauver la viticulture. Aujourd'hui, on a fait une récolte moyenne plus, on a beaucoup de travail sur d'autres dossiers, comme le commerce par exemple. » Et tout devrait rentrer dans l'ordre l'année prochaine, rassure-t-il : « Même si le papier n'a pas été envoyé, l'information sera transmise par les douanes ».
Contactée la direction générale des finances publiques du Lot n'a pas répondu à nos questions.
* : Le vigneron a sollicité l'anonymat.




