ruciales pour les vignerons, les décisions prises cet été par l’Anses au sujet de nombreux produits cupriques le sont tout autant pour les distributeurs de phytos. « Les produits concernés par ces interdictions et restrictions d’utilisation étaient les plus vendus sur le marché », souligne Marine Gineste, responsable technique vigne Soufflet Vigne.
Son confrère Dominique Navereau, directeur de l’activité vigne chez Ax’Vigne, distributeur basé dans le Loir-et-Cher, déplore la disparition prochaine des Kocide et de la bouillie bordelaise Vegelia. « Nous en vendions beaucoup car ce sont des produits intéressants en raison de leur classement et de leurs propriétés », explique-t-il.
En tout, l’Anses a retiré du marché dix-sept produits cupriques, en accordant des délais d’écoulement. De plus, elle a interdit l’usage en vigne de huit autres produits et très sévèrement restreint l’utilisation d’Heliocuivre et de Champ Flo Ampli. Dans les faits, ces produits restent autorisés à la vente jusqu’au 15 janvier 2026 et à l’utilisation durant toute la prochaine campagne. Mais les distributeurs cherchent déjà d’autres solutions qui répondent aux besoins des viticulteurs.
Charles Lallement, responsable technique Stahl Vigne, dans la Marne, va miser sur « les produits simples d’utilisation comme les bouillies bordelaises. Mais il en reste peu sur le marché », regrette-t-il. Sur la même longueur d’onde, un commercial de Bourgogne affirme : « Nous allons privilégier les bouillies bordelaises qualitatives, et les duos hydroxyde et oxychlorure, comme Grifon et Cuprocol Duo, car ils sont utilisables pendant la floraison, contrairement à Heliocuivre et à Champ Flo, et ils sont autorisés avec des quantités de cuivre par application un peu plus élevées. Nous allons aussi conseiller Yucca, un oxychlorure, jusqu’à huit applications par an à 8 l/ha ».
Chez Charrière Distribution, qui opère sur le Gard, les Bouches-du-Rhône et la Drôme, Jacques Oustric, responsable technique vigne, va devoir remplacer le Kocide. « Les viticulteurs utilisaient cet hydroxyde en mélange ou en alternance avec d’autres formes de cuivre », précise-t-il.
Dans ce nouveau contexte, il s’attend « à ce que les duos hydroxyde et oxychlorure tirent leur épingle du jeu, tout comme le Nordox 75 WG (oxyde de cuivre) et la Bouillie Bordelaise RSR Disperss, deux produits aux conditions d’emploi assez souples ». En effet, la ZNT eau du Nordox 75 WG est de 5 mètres, et le lissage de son emploi est autorisé. Il n’est pas soumis à une DSPPR, ni un nombre maximum d’applications par an ou un délai minimum entre deux applications. La Bouillie Bordelaise RSR Disperss bénéficie des mêmes conditions d’emploi, hors un nombre maximal d’applications fixé à cinq par an.
Pour sa part, Dominique Navereau, n’envisage pas de revoir son offre dans l’immédiat. « Chez nous, l’année a été calme en termes de maladies, rapporte-t-il, et nous avons encore des stocks. Notre priorité est de les écouler. »
Survivants au réexamen de l’Anses, les hydroxydes Champ Flo et Heliocuivre ont écopé de restrictions d’usage drastiques : interdiction du lissage, au moins sept jours entre deux applications, port de gants dans les vignes traitées jusqu’aux vendanges. Ces produits sont-ils condamnés ? Jacques Oustric n’est pas loin de le penser. « Champ Flo et Heliocuivre deviennent très compliqués à utiliser. Et de prévoir : Si aucune dérogation à l’interdiction de lissage n’est obtenue, ils sont morts. »
« Les vignerons ont besoin de toutes les formes de cuivre, y compris les hydroxydes. Champ Flo et Heliocuivre ne seront peut-être pas aussi délaissés que certains le pensent, estime en revanche Marine Gineste. Leurs restrictions d’emploi rendent leur usage compliqué. Mais des produits conventionnels sont aussi dans ce cas, et nous savons gérer ces conditions avec nos clients. »
« Les vignerons apprécient ces deux produits car ils libèrent rapidement les ions cuivre, signale un technico-commercial de Chablis. Les petites exploitations continueront à en utiliser, mais pas les plus grandes, du fait des conditions d’emploi. À la place, nous leur proposerons des duos hydroxyde et oxychlorure, et Yucca. »
Avec un panel de spécialités désormais amputé de vingt-cinq produits, un autre risque est à craindre, selon des fournisseurs : un impact tarifaire. « Il ne reste par exemple que deux associations d’hydroxyde et d’oxychlorure, note Charles Lallement. S’ils sont massivement demandés, leur prix va monter. D’autant plus que tous les produits à base de cuivre sont concernés, le cours de ce métal a flambé ces dernières années et ce n’est pas fini ».
Romain Dandois, responsable portfolio Nufarm « Les contraintes appliquées à Champ Flo Ampli nous ont surpris. Nous en diminuerons la production en 2026, notamment à cause du niveau des stocks chez les distributeurs et les viticulteurs, et parce que le traitement réglementaire réservé aux cuivres nous incite à la prudence sur nos investissements. Mais nous avons encore l’espoir de voir s’alléger les conditions d’emploi de notre produit. Nous avons adressé à l’Anses davantage d’informations sur le dossier toxicologique et écotoxicologique. Nous espérons en priorité des allègements sur le nombre d’applications, puis sur le délai entre deux applications et sur la dose. »


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