ans le foncier viticole bordelais, la tendance est à la dévalorisation : « Bordeaux, Côtes et Médoc décrochent terriblement, le reste se maintient » résume Rodolphe Wartel, le directeur Général de l’agence immobilière Une Villa et des Vignes (la branche prestige du réseau Human) lors des matinales de l'immobilier, ce jeudi 13 novembre à l'InterContinental Bordeaux. Pour le prix des terres de l’AOC « Bordeaux, ça baisse quand même de manière régulière depuis 2018. On n'est pas sur une crise qu'on n'a pas vu arriver » pointe Michel Lachat, le directeur départemental Gironde de la Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural (SAFER), notant des prix différents selon les terroirs, mais qui restent à la baisse pour les bordeaux rouge, avec un décrochage plus récent dans les Côtes (Blaye et Bourg), les appellations du Médoc hors appellations communales cotées (« ça ne protège pas beaucoup de s’appeler Listrac ou Moulis »).
Si dans les communales portées par des grands crus classés (soit les appellations Pauillac, Saint-Julien, Margaux et Saint-Estèphe), l’expert foncier note qu’après « des prix qui étaient en progression jusqu'en 2021 sur à peu près toutes les communales prestigieuses (Saint-Estèphe stagnant depuis un peu plus longtemps) se sont maintenus sur un plateau à la hausse. Aujourd'hui, on commence à enregistrer une diminution des prix ». Ainsi sur Pauillac qui affichait une moyenne à 3,5 millions €/ha récemment, « cette année on enregistre une batterie de baisses assez significatives et on a quelques raisons de penser, compte tenu des discussions en cours, que ces prix vont encore diminuer très clairement dans ces appellations » avance prudemment Michel Lachat.
Si la SAFER n’a pas publié de prix moyen pour 2024 en Saint-Julien et Pomerol face au manque de transactions et aux incertitudes sur l’évolution du foncier, son directeur bordelais rapporte qu’« on a aujourd'hui des offres des vendeurs qui ont des prétentions, regardant dans le rétroviseur, et des acquéreurs qui font des offres à des niveaux de prix différents des prétentions du vendeur. On sait très bien que les prix vont baisser. » Directeur de la communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), Christophe Chateau pointe que « la crise est d'abord venue dans les appellations génériques, Bordeaux, les Côtes, un petit peu le Médoc, qui étaient les premières concernées par la crise et qui ont massivement arraché. Depuis 2 ans, et c'est une nouveauté, les grandes appellations subissent aussi la crise. Elles ne sont pas arrachées, mais certaines diminuent aussi leur production ou arrachent sans prime pour pouvoir replanter ensuite. »
La tendance se ressent aussi dans le Libournais : à Saint-Émilion les vignes en plaine tombent à 100 000 €/ha et sur le plateau les négociations peuvent réduire de moitié les prétentions des vendeurs. En Pessac-Léognan les prix baissent et, « pour la première fois, il y a des parcelles de vignes qui ne trouvent pas preneur » rapporte Michel Lachat, glissant que « ce n'est pas toujours sur les meilleurs terroirs ». Dans les Graves, l’érosion des prix se poursuit note l’expert, mais avec des prix moyens se fixant encore entre 20 et 22 000€/ha avec le soutien des compensations environnementales du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). « Tout ça n'est pas très réjouissant quand on vend, c'est évident » indique Michel Lachat, notant que pour les investisseurs, « quand on achète, il vaut mieux acheter au son du canon et vendre au son du clairon. On est malheureusement dans cette situation-là. »
Évoquant des projets d’investissements témoignant de l’attrait du vignoble bordelais, le directeur de la SAFER ne peut que constater la forme d’attentisme des acheteurs face à un vignoble en crise et mutation. La question étant de savoir s’il faut acheter maintenant que les prix ont baissé, ou attendre qu’ils chutent encore… « Je ne crois pas qu'ils décrochent plus que ça » avance Michel Lachat, pour qui avec l’arrachage « il y a quand même un rapport offre-demande qui se rééquilibre sur le volume de vin. L'intérêt des investisseurs est en attente, mais il n'est pas complètement mort. Pas mal de gens attendent des signes positifs pour se reprojeter et réinvestir à Bordeaux. Je ne crois pas que ça va baisser sur des appellations génériques. En revanche, je pense qu'on n'a pas complètement consommé la baisse sur les communales, sur les appellations plus prestigieuses. » Rodolphe Wartel soulignant « des prix effectivement encore très élevés sur les appellations communales du Médoc ou sur Saint-Émilion grand cru classé ».




