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"Le marché du vin a de l’avenir mais dans une nouvelle dimension, probablement plus marginale"
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Gérard Bru
"Le marché du vin a de l’avenir mais dans une nouvelle dimension, probablement plus marginale"

Figure du développement de vins premium de premier plan en Languedoc, le propriétaire-fondateur du château Puech-Haut cultive sa discrétion et prend du retrait. Il voit le marché du vin opérer à un grand resserrement et conduit une expérimentation de vignes en treille pour s'adapter à l'évolution climatique.
Par Olivier Bazalge Le 27 août 2025
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Gérard Bru voit dans la treille un levier d'adaptation de la vigne en zone méditerranéenne. Il l'expérimente sur un demi-hectare au Clos du Pic, à Lauret - crédit photo : O.Bazalge
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u haut des 77 ans qu’il vient de fêter, Gérard Bru, propriétaire fondateur du château Puech Haut, à Saint-Drezery, dans l’Hérault, aime à répéter qu’il préfère rester discret et en retrait. Tant dans sa façon d’aborder les affaires que pour les relations de la vie en général. C’est donc de cette manière, dans un communiqué laconique en début d’été, qu’il a discrètement fait part de sa prise de retrait opérationnelle des affaires de la propriété au profit de son nouveau co-actionnaire, et partenaire commercial de 20 ans, le directeur général Arnaud Demongeot. « Je reste propriétaire, avec mes enfants, et j’ai encore bien d’autres activités avec lesquelles m’occuper », rappelle néanmoins celui qui s’est également découvert une passion pour l’élevage de bœufs de Kobé sur ses terres de Camargue. A la tête de presque 200 ha de vignes répartis entre plusieurs propriétés et une activité de négoce pour la marque Puech-Haut, ce poids lourd du monde du vin languedocien témoigne des évolutions d’une filière qu’il a vu évoluer depuis qu’il a démarré son projet en 1978.

Tout d’abord, comment est né ce projet de Puech Haut, alors que vous n’étiez pas issu du monde viticole ?

Pour la petite histoire, je venais faire des travaux saisonniers agricoles quand j’avais 18 ans, sur le lieu-dit, du nom de Puech Haut, où j’ai justement bâti la propriété ensuite. Mon père était fonctionnaire à l’école d’agriculture de Montpellier, et nous étions logés sur place. J’ai donc grandi dans cet environnement d’exploitation agricole qui à l’époque n’était pas entourée par la ville comme aujourd’hui, développant cet attachement à la terre qui ne m’a plus quitté. C’est à 30 ans, en 1978, que j’ai vendu ma première entreprise et que le projet de Puech Haut a démarré. J’y ai racheté des terres pour planter des vignes sur ce lieu-dit, et en amener la production à la coopérative locale. Ce n’est que 15 ans plus tard que j’ai vendu toutes mes activités pour ne plus me consacrer qu'à la construction et au développement de Puech-Haut. 1994 est le premier millésime qui a été commercialisé.

A l’inverse d’autres acteurs majeurs dans le monde du vin, on ne vous a jamais vu sur le devant de la scène. Est-ce une stratégie assumée ?

Je n’ai jamais eu envie de me mettre en avant, contrairement à ces autres acteurs dont j’admire le travail par ailleurs. Mais je savais de mes précédentes expériences qu’il était essentiel de créer une marque forte, facile à retenir avec une identité et un visuel incontournables. Comme pour les transformateurs électriques que je fabriquais avant ! D’autant plus donc que cette marque forte me permettait de ne pas avoir à me mettre en avant. Mais je n’ai rien inventé, je regarde les marques de luxe qui mettent l’accent sur le packaging et le logo. Notre tête de bélier est venue comme une évidence après en avoir trouvé une sur le site de construction du château, alors que j’hésitais entre un lion et un cerf. Par la suite, nous avons fait la même chose avec le vin rosé, rebondissant sur le nom de marque fort de Puech Haut et une bouteille dédiée et identifiable. Nous faisons aujourd’hui 1 million de bouteilles de vins rosés.

Alors que le château Puech Haut s’est notamment fait connaître par des vins Parker-compatibles dans les années 90… ?

Je n’avais pas l’ambition de savoir faire du vin alors je me suis tourné vers les meilleurs. Et le meilleur à l’époque s’appelait Michel Rolland. Nous avons ensuite eu le regretté Philippe Cambie. Ce positionnement premium a permis à Puech Haut d’être tout de suite rentable.

Les célèbres têtes de bélier - OB

Une époque où on ne parlait pas de crise de déconsommation des vins, vous attendiez vous à ce phénomène alors que vous avez continué à élargir vos surfaces de production (170 ha aujourd’hui répartis sur plusieurs domaines)?

Je l’ai vue venir, oui, et beaucoup de choses ont changé depuis l’épisode Covid… Mais ce marasme n’est pas lié qu’au vin, et touche à la consommation d’alcool en général et la façon de le consommer. On se rend compte que toutes les régions productrices de vin dans le monde sont celles où il y a le moins de problèmes d’alcoolisme, grâce à la culture autour de cette consommation de vin.

Mais je reste persuadé que les grands vins resteront. Certes, tout le monde ne peut pas faire du premium, mais s’il y a une ligne à tenir, c’est de ne pas baisser les prix pour assumer les prix de revient, en particulier quand ils sont élevés pour le premium. C’est la clarté de la hiérarchisation qui permettra de vendre tous les types de vins. Le marché du vin a de l’avenir mais dans une nouvelle dimension, probablement plus marginale. Le changement des habitudes de consommation est la cause de cette baisse. Partout, on ne boit du vin qu’occasionnellement, et il n’y a qu’en France et de rares pays où on continue à boire du vin à table. C’est derrière nous tout ça. C’est possible que le milieu de gamme disparaisse à terme, donc les petits vignerons qui conduisent 10-15 ha de vignes ont une chance de perdurer. Les petits producteurs pourront s’en sortir, avec la particularité de leur vin, leur histoire, leur identité. Et les forts deviendront plus forts. Pour tout ce qui est intermédiaire, ça va être de plus en plus compliqué.

Comment voyez-vous justement l’avenir de la filière ?

L’adaptation à l’évolution du climat me préoccupe le plus. Il faut s’adapter très vite, dans la vinification, dans les méthodes culturales... Je ne suis pas partisan des technologies de désalcoolisation, qui font perdre au vin une partie de ce qui le constitue. Je crois en revanche aux vinifications à faible degré ou à la sélection de variétés peu alcooliques par exemple, ou bien adaptées à la chaleur comme elles existent déjà dans les régions du sud de l’Europe. J’ai moi-même évolué dans ma consommation de vins, et me tourne à présent vers des vins plus légers plutôt que sur la tête de cuvée de Puech Haut.

Nous ne parviendrons pas à faire dans notre région du 6 ou 7 degrés, mais on peut arriver à 11-12 degrés au lieu des 15-16 degrés que l’on rencontre à maturité. C’est tout le sens de l’expérimentation de treille que j’ai lancée il y a 3 ans sur un demi-hectare au clos du Pic, en Pic Saint-Loup, une des 8 propriétés. Nous aurons la première récolte cette année et on constate déjà des effets positifs sur l’exposition des raisins, la préservation de l’humidité du sol, l’aération la fraîcheur ou le travail du sol. Et il y a besoin de moins traiter. Forcément, il faudra adapter la mise en œuvre culturale de la treille mais je crois beaucoup à cette orientation culturale. Il faudra donc s’y pencher dans les cahiers des charges AOC du futur !

 

Tags : Languedoc
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