e temps du deuil est passé. Désormais, elle veut alerter et comprendre. Le 27 septembre 2024, Alain Rosiez, son mari, est décédé après l’explosion du petit pulvérisateur qu’il utilisait pour nettoyer son enjambeur. Christine Rosiez est viticultrice à Villers-Franqueux (Marne), à la tête de 2,8 ha de vignes. Son mari était retraité du bâtiment et l’aidait sur l’exploitation avec un de leur fils, prestataire de services, à qui ils avaient confié les travaux mécaniques.
Ce dernier jour de vendange, son mari et son fils ont nettoyé le matériel viticole avec un dégraissant et un booster – en réalité de l’eau oxygénée – ajouté sur les conseils du fabricant et du revendeur pour accélérer et renforcer l’effet du dégraissant.
« Il restait un fond de produit dans le pulvérisateur quand ils se sont arrêtés, raconte Christine Rosiez. Lorsqu’ils sont revenus, mon fils a entendu un sifflement. Avec mon mari, ils sont allés dans le hangar pour voir ce qui se passait. Ils pensaient que c’était le compresseur. Mais c’était le pulvérisateur qui a fini par exploser en deux. Mon mari s’est écroulé sous le choc. Mon fils l’a rattrapé. Je suis arrivée sur place cinq minutes plus tard. » Quelque temps après ce choc, Alain Rosiez a perdu connaissance et est décédé d’une hémorragie du foie dans le camion des pompiers, malgré les secours qu’ils lui ont apporté. Il avait reçu la moitié du pulvérisateur dans le ventre.
C’est au printemps 2024, lors d’une démonstration organisée chez leur fournisseur de produits phyto qu’Alain Rosiez et son fils ont découvert cet effet booster. « Ils se sont dit que ce serait un bon truc pour le nettoyage de fin de saison », rapporte Christine Rosiez. Dans le document explicatif que diffuse le fabricant sur la réalisation du mélange, celui-ci indique qu’il faut dégazer la pompe à pression, laisser le bouchon ouvert et vidanger le produit. Bien que ce ne soit pas explicitement indiqué, on comprend qu’il faut prendre ces précautions après avoir fini d’appliquer le produit.
Christine Rosiez le sait : son mari et son fils n’ont pas suivi ces recommandations. « Mais personne ne nous a alertés sur le risque d’explosion, objecte-t-elle. Ce mélange, c’est un truc que tout le monde utilise et il n’y a même pas un picto : attention danger d’explosion ! C’est incroyable. Depuis l’accident de mon mari, les langues se délient. On apprend que d’autres pulvés ont explosé. »
Pour Julien Beaufils, gérant d’Ecoclean, le fabricant du dégraissant qui préconise le protocole boost, « c’est un accident malheureux dont je suis le premier attristé, mais les consignes n’ont pas été respectées. Lors de nos démonstrations, on dit tout le temps aux clients : finissez le produit, dégazer le pulvé et rincez. Et ne gardez pas de produit, si vous en avez trop, jetez-le ». Et d’ajouter : « On ne sait pas ce qu’il y avait dans le pulvérisateur, ni s’il avait un défaut. »
Au début de l’année, avec son avocate, elle a assigné toutes les parties prenantes au tribunal civil de Reims pour obtenir la nomination d’un expert judiciaire afin d’enquêter sur les causes et les responsabilités dans ce drame. « Nous n’incriminons personne. Nous voulons savoir pourquoi ce pulvérisateur a explosé », souligne maître Ségolène Jacquemet-Pommeron, avocate au barreau de Reims. Christine Rosiez le sait, elle devra s’armer de patience pour obtenir une réponse.
Christine Rosiez garde un très mauvais souvenir du passage de l’inspecteur du travail après l’accident. « Il a été très désagréable, assure-t-elle. Il a dit à mon fils que le pulvérisateur aurait dû être rangé sur une étagère et non pas rester posé au sol. Il lui a demandé si c’était écrit dans le contrat de prestation qui devait nettoyer le matériel. Taper sur les patrons, c’est tout ce qu’ils savent faire. »