u festival d’Avignon, les Côtes du Rhône aussi sont dans la danse. Buvette rectangulaire, luminions, tables et tabourets hauts : niché dans la cour de la maison des Vins, leur bar éphémère sert une vingtaine de cuvées chaque soir de juillet à partir de 19 h 30. Rouges, blancs, rosés ; en leur capitale, les producteurs de Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages vont à la rencontre des festivaliers. Le pli est pris depuis dix-huit ans.
« C’est inconcevable que ça puisse s’arrêter un jour » sourit Florence Quiot, co-présidente de la section promotion d’Inter Rhône et directrice générale de cinq domaines dans le Vaucluse (300 ha en tout). Au cœur de l’événement qui attire deux millions de visiteurs chaque année, cette vitrine très prisée est tenue par des viticulteurs qui se relaient pour échanger en direct avec les consommateurs.
« L’idée est d’inscrire nos vins dans une consommation fraîcheur et festive », appuie Florence Quiot. « Un mode de consommation qui ne doit plus être le domaine réservé de la bière », pose François Robin, délégué communication à la Fédération des Vins de Nantes. Depuis des années, le Muscadet s’y emploie. La preuve au Hellfest, à Clisson, en Loire-Atlantique, où les vignerons aidés d’une armée de 140 bénévoles ont imposé leur cru parmi les boissons stars de ce festival de musique métal qui se tient fin juin.
Le Muscadet y tient un stand depuis le début de l’aventure en 2006. « Au départ, on prêtait nos terres, en échange on pouvait servir nos vins, raconte Frédéric Loiret, propriétaire du domaine du Grand-Air, 22 ha à Clisson. On n’y croyait pas plus que ça, on a commencé avec un stand de 9 m². Aujourd’hui, on est sur 300 m² ! Et ça tourne ! » Entre 15 000 et 20 000 litres de Muscadet sont écoulés au verre ou à la bouteille chaque année. Coût de la participation : 40 000 € pour la fédération des Vins de Nantes.
« Le Hellfest, c’est la meilleure pub pour le Muscadet. On touche 75 nationalités et 200 000 personnes », poursuit Frédéric Loiret. De quoi compenser le temps qu’il y consacre. « Pendant une semaine, on ne travaille pas dans nos vignes, tellement on est pris par le festival. Cela impacte le palissage, les traitements, le rognage. Mais on a l’habitude, on anticipe le plus possible. Et puis ça nous fait du bien de couper avec notre routine, c’est un défouloir ! »
Frédéric Loiret estime que ses ventes durant le festival représentent « un petit 5% » de son chiffre d’affaires annuel. « C’est surtout sur le long terme que ça porte : dans les salons, on voit que les gens connaissent de plus en plus nos vins. » Parce qu’« on ne se contente pas de servir des verres, on prend le temps de parler aux consommateurs. On apporte un supplément d’âme » assure François Robin.
« Nos clients sont de plus en plus curieux, ils veulent savoir ce qui se passe chez nous », glisse Louise Chéreau, à la tête du Chéreau-Carré, 125 ha à Saint-Fiacre-sur-Maine (44). Fin juin, cette jeune viticultrice est donc allée « chercher ceux qui n’osent pas encore venir dans les caves », à la soirée inaugurale du Voyage à Nantes, le label regroupant l’offre culturelle estivale de la ville. La Fédération des Vins de Nantes investissait les lieux pour la première fois, avec son bar à vins. « Le stand n’a pas désempli, nous avons vendu une centaine de bouteilles à deux avec un confrère, et fait beaucoup de pédagogie », raconte Louise Chéreau.
« Le vin, c’est comme le swing, une danse et une musique rebelle qui se nourrit sans cesse de nouveauté, alors nous sommes présents à Swinging Montpellier » développe Kelvine Gouvernayre, responsable notoriété du label IGP Pays d’Oc qui investit plus de 80 000 € dans ses participations à divers festivals. L’interprofession y déploie son bar à vins de 50m² et ses transats assortis durant les quatre jours de l’événement. Au menu : des vins de cépage -chardonnay, muscat, rolle, cinsault, grenache, carignan, syrah…- à emporter ou à boire sur place, des ateliers gratuits de dégustation et une nouveauté, tout une série de cocktails à base de vins. Des mixologues marient du citron au chardonnay, de la cerise au pinot ou encore les fruits de la passion au merlot. « On profite de la présence de 13 000 amateurs de jazz swing durant le troisième week-end de juillet pour ancrer l’IGP Pays d’Oc dans son territoire » et la faire rayonner.
A son tour Bordeaux s’y met. Grisé par le succès de sa première participation, le bar à vins de Bordeaux revient fin août à Rock en Seine (environ 150 000 festivaliers), au parc de Saint-Cloud. Stand branché, transats colorés, goodies et sélection de blancs, rouges, rosés légers d’une dizaine de châteaux… Objectif : séduire les jeunes. « Nous ne voulons pas leur laisser penser que le vin n’est pas pour eux », explique Christophe Château, directeur de la communication de l’interprofession (CIVB) qui finance le stand.
Poursuivant le même but, début juillet le conseil des vins de Saint-Emilion tenait pour la première fois un bar à vins au Garorock de Marmande (47) ou des vignerons servaient du Saint-Emilion, du Pomerol ou du Fronsac aux quelques 100 000 festivaliers amateurs de punk/rock. Histoire de casser les codes.
Pays d’Oc, de son côté, s’est greffé pour la première fois en juin au Solidays à l’hippodrome de Longchamp (260 000 festivaliers). « Ce festival colle avec nos valeurs de solidarité » savoure Kelvine Gouvernayre, soucieuse de « multiplier les partenariats durables et qui font sens ». Ici, comme ailleurs, l’organisation innove, donne une image plus fun de ses vins en les servant désormais à la tireuse. Décidément, la bière n’a plus le monopole de rien.
Président pendant douze ans des Vins Charentais avant de céder les rênes en novembre dernier, Thierry Jullion l’a toujours en travers : « Nous avons été balayés des Francofolies juste après le Covid quand Mouton Cadet a posé un chèque de 40 000 € sur la table. Avec nos 7000 €, nous ne faisions pas le poids. 40 000 €, c’est la moitié de notre budget communication ». L’expérience, démarrée en 2015, était pourtant fructueuse : dix domaines charentais écoulaient un bon millier de leurs bouteilles sur les cinq jours du festival phare de La Rochelle. « Tout le monde était content des ventes et surtout de l’image que cela renvoyait de nos vins. C’est vraiment dommage qu’on n’y soit plus. » Echaudé, le syndicat ne table plus que sur les événements locaux portés par la profession comme Bordeaux fête le vin, Cognac Blues Passions ou la fête du cognac.