ans l’Aude, l’ensemble des feux de Lagrasse, Bizanet, Moux et Narbonne-Bages aboutissent à un total de plus de 3000 hectares de végétation détruits en 10 jours. Vigneronne au domaine Saint-Jean de Septime et co-propriétaire de l’abbaye de Fontfroide, Laure de Chevron Villette était aux premières loges du départ de l’incendie le plus dévastateur de cette série. « C’était lundi, vers 14h45, se souvient-elle. J’étais dans une vigne à 200 mètres de la parcelle de garrigue qui s’est embrasée [suite au probable jet d’un mégot en bord de route, NDLR]. J’ai immédiatement prévenu les pompiers et le personnel de l’abbaye pour lui demander d’évacuer. » Laure de Chevron Villette a eu très peur. « J’avais encore en tête l’incendie majeur de 1986. Heureusement cette fois ni l’exploitation ni l’abbaye n’ont été touchées. »
Poussées par un fort vent du nord avec des rafales atteignant les 80 km/h et détournées par les vignes d’un voisin, les flammes sont passées sur l’autre versant du massif de Fontfroide prenant la direction de Narbonne, en passant notamment par le domaine d’Aussières, et la direction de Bages, en fonçant sur le château Prat de Cest. « Nous étions en plein sur le tracé du feu, confirme Guillaume Allien, propriétaire du château Prat de Cest. Je félicite les pompiers qui ont réussi à sauver l’exploitation et une partie du village quand tout autour du parcellaire a brûlé. Le feu ne risque pas de redémarrer. »


Si ses vignes bien désherbées ont joué leur rôle de coupe-feu, 15 à 20% de ses 16 hectares sont impactés. « Toutes les bordures de parcelles, précise Guillaume Allien, avec des dégâts très importants en contrebas de fossés perpendiculaires au vent. Là les rameaux ont noirci sur 40 mètres, la sève a bouilli et les feuilles sont complètement brûlées comme si c’était l’automne. Avec le vent, les flammes sont venues lécher les souches à l’horizontal. »
Selon le vigneron, tout cela ne serait pas arrivé il y a quelques années, « quand je pouvais entretenir par écobuage l’hiver le ruisseau de 6 mètres de profondeur et de 7 mètres de large qui chemine sur mon exploitation et par lequel s’est propagé l’incendie jusqu’à atteindre les zones boisées et devenir impossible à contrôler. » Dégoûté, Guillaume Allien n’a plus qu’à espérer de bons orages d’ici la fin de l’été. « D’après les conseillers de la Chambre d’agriculture et l’expert de mon assurance, si les vignes brûlées peuvent rapidement avoir les pieds dans l’eau, il est possible que les entre-nœuds repartent et que 70 à 80% des souches s’en sortent, alors que sans pluie, tout ce qui a été touché risque de mourir. »
Bilan dans 2 ans
Le vigneron ne connaîtra le sort définitif de son parcellaire que l’année prochaine, voire celle d’après. « En attendant, je suis resté évasif dans ma déclaration à l’assurance, mais je sais déjà que je vais y laisser des plumes avec un plafond à 40 000€. D’autant plus que toute la protection galvanisée des clôtures que j’avais posées cette année contre les sangliers a brûlé, faisant sauter la garantie anti-intrusion incendie », peste-t-il, déplorant aussi la perte d’une benne à vendanger et d’un hectare de bois. Ce vendredi, Guillaume Allien a porté plainte à la gendarmerie ce vendredi. « J’y crois peu mais si jamais celui qui a jeté son mégot est retrouvé, son assurance couvrira sa bêtise. »
Il prévoit également ces jours-ci d’amener des grappes au laboratoire pour faire doser les molécules responsables des goûts de fumée. « Je recommencerai aux vendanges et vais demander s’il existe des produits œnologiques capables de les éliminer ou au moins de les atténuer. D’ici là, le mieux serait encore de la pluie pour lessiver les grappes. » La vigne n'en étant encore qu’au stade « petit pois », Laure de Chevron Villette a bon espoir que la fumée ne marque pas trop les vins. Pendant les vinifications, elle isolera quand même les cuves issues de ses parcelles les plus enfumées. Dans un contexte de réchauffement climatique, elle s’inquiète de voir les vignes arrachées devenir des champs d’herbe sèche. « Les étés à venir vont être de plus en plus favorables aux incendies, j’aurais aimé que les primes soient assorties d'une obligation de replantation de culture », indique-t-elle.
L’Hérault a également connu une dizaine de départs de feu ces derniers jours. Plus de 400 hectares de végétation ont été détruits entre Fabrègues et Mireval. Même bilan entre Castelnau-de-Guers et Montagnac. Plusieurs vignerons sont concernés. Productrice de picpoul de pinet au domaine La Croix Gratiot, Anaïs Ricome compte ainsi 3 hectares de vignes brûlées et 1 hectare aspergé de produit retardant, comme l’illustrent ses photos :