ace aux indécisions politiques des temps modernes, penchons pour la précision poétique de la légende des siècles. Pour la réouverture de la cathédrale, rouvrons l’œuvre de Victor Hugo : Notre-Dame de Paris et ses scènes visionnaires. Ainsi dans la Cour des miracles en 1482 : « un tonneau était près du feu, et un mendiant sur le tonneau. C’était le roi sur son trône. » On pourrait y voir une image de la filière vin, sombrant dans le dénuement tout le long de cette année 2024. A moins que cela n’ait toujours été le lot du monde agricole, corvéable à merci et imposable sans limite ? Parcourons les archives médiévales du temps des cathédrales… « Les jours nous passons à grande peine,
Et ne savons que devenir ;
Chacun s’en veut de nous fuir » écrit La complainte du pauvre commun et des pauvres laboureurs de France au XVème siècle, son auteur lançant un « Regardez-nous, et si vous pensez,
Que sans labour vous ne pouvez vivre,
Et que tous sur nous vous courez ».
Ce qui n’est pas sans rappeler la formule lapidaire de Voltaire dans Le Sottisier : « on a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres ». L’Histoire bégaie, la paysannerie trinque.
Au Moyen-Âge, l’infortune agricole tenait aussi au chaos du monde, les troupes de cigales, soldatesques ou pillardes, dévastant les réserves des fourmis agricoles. « J'ai planté, semé et vendangé,
J'ai fumé les champs et prairies
Pour donner vie à mes petits
Mais hélas le tout a mangé » par l’homme armé témoigne les Complainte et lamentations des pauvres artisans et laboureurs fuyant la calamité du temps présent (paru en 1627), espérant que « Quand pillerie cessera,
Quand raison et bonne police
Maintiendront l'effet de justice
Adoncques le bon temps sera. »
Ce temps des cerises semblant bien inatteignable quand perdure le temps des crises. Dans tous les vignobles du monde et à toutes les époques. Par exemple en Suisse au XXème siècle : « En ces temps difficiles,
Plaignez le vigneron,
Qui fait besogne utile
Et n’a jamais le rond »
écrit en 1927 Louise Chatelan-Roulet dans sa Complainte du Vigneron (le Conteur Vaudois). « Mais si, par aventure,
Récolte vient à bien,
Avec désinvolture
On dit : Ça ne vaut rien !
Ses vins, on les débine,
Achetant l’"étranger",
Par esprit de rapine,
Pour le faire enrager »
Un poème à la modernité troublante… Alors que les difficultés deviennent quotidiennes dans le vignoble et se diffusent dans toute la filière. « Il suffit d’une goutte de vin pour rougir tout un verre d’eau » prévenait Victor Hugo dans Notre Dame. Roman qui ne manque pas d’aphorismes bacchiques. S’il fait dire à ses ecclésiastiques « rixa, prima causa vinum optimum potatum », on pourrait prédire aujourd’hui qu’une première cause de révolte est l’absence de valorisation des bons vins.