a tête dans le guidon du millésime, la filière vin garde son souffle pour les inévitables prochaines difficultés du parcours. Si elle lâche un soupir, elle ne moufte plus. Mais que les gouvernants ne s’y trompent pas : s’il n’y a plus de manifestation de mécontentement, ce n’est pas par disparition miraculeuse du mal-être, des reproches et des revendications. C’est tout simplement parce que la saison ne s’y prête plus. N’ayant plus la capacité de se mobiliser pour faire avancer ses demandes de soutien au cœur du millésime, le vignoble continue pourtant de bouillir sous le couvercle. La température ne cesse même de monter, les syndicats sachant pertinemment qu’à la moindre étincelle, l’explosion sera impossible à contrôler.
Le trop plein peut de nouveau déborder à n’importe quel moment, entre étranglement économique (plus de trésorerie pour la MSA, les impôts… ni d’argent pour répondre aux besoins primaires du foyer), perspectives commerciales atones (nourrissant l’impatience pour un arrachage primé qui tarde, une aide au stockage privé incertaine…), modifications réglementaires soudaines (du revirement de la HVE qui pèse à la soudaine marche arrière sur les pollinisateurs)… Et la violence des aléas climatiques exténue les vignerons. Alors que la grêle continue de s’abattre localement, il semble que le millésime 2024 vise encore en plein dans le mildiou… N’ayant toujours pas digéré la non-prise en charge assurantielle des pertes de récoltes de l’an passé, le vignoble attend plus que de l’écoute de ses soutiens politiques : il est temps d’apporter un soutien pertinent, calibré et rapide à une filière se sentant noyée par les défis climatiques, écologiques et économiques. Sinon, la perception pessimiste d’une partie des vignerons déprimés se généralisera et murira avec les raisins 2024. Soit l’impression que le vin est non seulement lâché en rase campagne par la France, mais sacrifié pour des raisons sanitaires (anti-alcool) et environnementales (phytos).
Du complotisme ? Peut-être, mais surtout beaucoup de lassitude. Si rien n'est fait massivement, la question n'est pas de savoir si le vignoble va craquer, mais quand. « Attention fragile » chante Bernard Lavilliers.