our Philippe Godet, tout a commencé il y a deux ans avec l’apparition des premiers érigérons sur une parcelle de 3ha50 d’Ugni Blanc. « Comme ça du jour au lendemain, presque par magie, affirme le propriétaire du domaine de la Motte, à Saint-Dizant-du-Gua en Charente-Maritime. Et puis l’année suivante, ils sont apparus sur une autre parcelle de 4,50 ha, dans un autre secteur. Et cette année, on aperçoit des plantules un peu partout sur nos 50 hectares. Toujours sous le rang qu’on désherbe chimiquement. Dans le rang, soit on travaille le sol, soit on sème un engrais vert, donc l’érigéron ne s’y développe pas ».
Des érigérons, Philippe Godet en voit un peu partout depuis quelques années. En bord de Charente, à la lisière des bois, et même sur son lieu de vacances, l’été dernier du côté de Manosque dans les Alpes de Haute-Provence. D’où viennent ceux qui envahissent ses parcelles ? Philippe Godet ne le sait pas vraiment. « Peut-être de l’environnement. La première parcelle de 3ha50 est enclavée dans un bois de 10 ha et cela favorise un micro-climat surement propice à l’envahisseur. Mais pour la deuxième, je me demande si cela ne vient pas du fumier qu’on y a apporté en 2019, avant la plantation. Cette vigne est la seule sur son secteur à avoir de l’érigéron. S’il provenait de l’environnement, les voisins en auraient aussi ».
Ludovic Pascal et son fils Guillaume, vignerons à Gallician, dans le Gard soupçonnent eux aussi un amendement d’être à l’origine de la contamination de leur vignoble. « Les érigérons sont apparus il y a quatre ans, du jour au lendemain, sur nos 40 ha. On avait l’impression qu’ils avaient été semés tellement il y en avait partout, assure Ludovic Pascal. Cette année, ce sont les orties qui apparaissent partout sous le rang. Donc avec mon fils, on se demande si ça ne vient pas des engrais organiques que l’on épand l’hiver. »
Il y a quatre ans, lorsque les premiers érigérons apparaissent, Ludovic et Guillaume Pascal misent tout sur le désherbage chimique pour s’en débarrasser. Mais sans succès. « Quand il voit le glyphosate, l’érigéron rigole, lance Ludovic. Donc on a mis en place une nouvelle stratégie. Plus de désherbage chimique. On a investi dans des griffes et des interceps hydrauliques Gardell. Au bout de trois années de travail du sol, on commence à maîtriser les érigérons. On butte mi-décembre, on débute fin février et après on griffe le sol régulièrement jusqu’à la mi-juillet. Le plus important c’est de déraciner l’érigéron avant qu’il fasse plus de 10 cm, après la tige est trop haute et ça bourre dans les outils ; la plante se couche, reste enracinée au sol, et dès qu’il fait un peu humide, elle repart. L’idéal est de travailler le sol quand il fait du mistral, pour bien sécher les racines ».
En 2021, à Rorschwihr, dans le Haut-Rhin, Régis Kreyer s’est fait surprendre par les érigérons sur une partie de ses 8 hectares Il explique. « Cette année-là j’ai commencé ma conversion au bio sur 3ha. Sur cette partie, j’ai travaillé les sols et j’ai désherbé le reste comme d’habitude. Mais il a tellement plu au printemps que j’ai désherbé au glyphosate assez tardivement, mi-mai. Et fin juin je me suis retrouvé submergé par les érigérons. Il y en avait partout dans mes parcelles en conventionnel, mais pas un seul dans celles en conversion bio. Depuis j’ai arrêté de désherber. J’ai investi dans des disques crénelés et tout est rentré dans l’ordre ».
De son côté, Philippe Godet, a modifié son programme de désherbage. « D’habitude j’applique un mélange de Kerb, de Katana et de glyphosate entre décembre et janvier, puis je fais un Pledge au printemps et un dernier passage avec du glyphosate début juillet. Cette année, je fais autrement. En janvier, j’ai mis une demi-dose de Pledge avec du Kerb. Début avril, j’ai appliqué une autre demi-dose de Pledge, mais cette fois-ci en association avec du glyphosate et une semaine après, j’ai refait un désherbage avec du Boa pour cibler spécifiquement les plantules d’érigérons », détaille le vigneron qui prévoit d’ores et déjà de placer à nouveau un glyphosate début juillet.
Philippe Godet espère également faire un essai avec des interceps sur une petite parcelle de son domaine. Mais le travail du sol étant chronophage, il sait qu’il ne pourra pas l’étendre à tout son domaine, même si le résultat était positif. « En tout cas pas cette année », souffle-t-il.
Selon une enquête de Corteva, l’érigéron affecte la moitié des viticulteurs en France. « Le problème de l’érigéron c’est qu’il est résistant au glyphosate, affirme Antoine Allin, conseiller technique chez Fortet-Dufaud en Charente. Donc pour s’en débarrasser, c’est compliqué. Les défanants, type Guerrier ou Spotlight font juste faner les têtes, et peu de temps après les plants repartent du pied. Quant aux herbicides racinaires, type Katana, ils sont efficaces, mais peuvent engendrer des problèmes de chlorose ferrique sur les sols calcaires ». Antoine Allin préconise donc un entretien du sol mixte. « Appliquer un Boa ou un Katana en février-mars, puis entretenir le sol avec un interceps. Et surtout éviter que les érigérons dépassent les 10 centimètres de haut. Au-delà, même avec des tondeuses sous le rang, on ne peut plus les éliminer, la tige devient trop dure ». Pour sa part, Corteva recommande de combiner Boa et Cent-7 avant le débourrement.