Carole Delga : C’est avant tout une activité économique à développer, un patrimoine culturel, matériel et immatériel à promouvoir et exporter, mais aussi une attractivité touristique sur laquelle nous devons capitaliser grâce à cette immense diversité de terroirs, de paysages et de savoir-faire, marqueurs d’identités que partagent les pays producteurs européens et qui rendent vivants nos territoires. Le vin, ce sont nos racines, notre histoire, et en Occitanie, un pilier de notre économie qui doit aussi être notre avenir.
Le choix de notre région pour la tenue de l’European Wine Day témoigne du poids de notre filière viticole au niveau européen. Nous partageons de nombreuses problématiques, et notamment les conséquences du changement climatique, avec des épisodes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents. Cela implique d’avoir une stratégie collective et particulièrement volontariste pour prendre en compte nos contraintes comme nos atouts, soutenir les producteurs, en gardant en tête l’enjeu de préservation lié à la nécessaire adaptation écologique, énergétique et sociétale.
Comment voyez-vous l’action européenne dans le soutien à la filière viticole : une aide à l’investissement par les fonds débloqués ou un frein réglementaire aux initiatives régionales, comme avec la marque qui Sud de France ?
Nous avons avec l’Union Européenne une coopération efficace et réussie, dans un seul et même but : le développement plus juste et équilibré de nos territoires. Nos actions se complètent dans de nombreux domaines et notamment celui de notre soutien à la filière viticole. L’action de la Région Occitanie se concentre sur la structuration des entreprises : RH, transformation digitale, circuits de commercialisation… L’organisation commune du marché vitivinicole est un outil de développement de la filière, de l’amont à l’aval et de conquête des marchés. De l’adaptation du vignoble, à l’export sur les pays tiers, en passant par la modernisation constante des outils de transformation, elle concourt à l’agilité de nos entreprises. Elle doit rester sur ce rôle et ne pas devenir un outil de gestion structurelle des fluctuations de marchés.
Quant à notre marque Sud de France-l’Occitanie, elle va continuer à se développer car elle a démontré toute son efficacité pour les entreprises, tant au niveau régional, qu’au national, qu’au niveau de l’export. Sud de France-l’Occitanie est aujourd’hui une marque de reconnaissance de nos produits pour les consommateurs et les distributeurs. C’est une fierté pour beaucoup d’agriculteurs et viticulteurs qui se battent au quotidien et qui subissent de plein fouet l’inflation et l’augmentation des coûts de l’énergie. Concernant sa présence sur les étiquettes des bouteilles, j’ai pris acte de la décision du Gouvernement, même si elle va à contre sens de l’histoire, pour protéger nos entreprises. Nos services continuent de travailler étroitement à la création d’un nouvel identifiant puissant pour soutenir la commercialisation des vins régionaux sur les marchés national et international.
La déconsommation nationale et l’inflation internationale pèsent sur les ventes de vin. Pour booster la reconquête de parts de marché, la région prévoit-elle de relancer un plan d’aide à la promotion comme pendant le covid ?
Nous avions en effet travaillé avec tout l’écosystème du secteur viticole pour aider les vignerons et les entreprises à traverser la crise, notamment avec les contrats de Relance Viti pour pousser les ventes sur le marché français et à l’export. Sur cette période, la Région a investi plus de 20 millions d’euros pour la filière.
Mais notre travail ne s’est pas arrêté là et nous avons anticipé le contexte difficile que nous connaissons aujourd’hui. Sous l’égide de la Chambre Régionale d’Agriculture, et avec les Vignerons Indépendants de France, la Coopération Vinicole, la Fédération du Négoce et les interprofessions, nous finalisons un véritable contrat de filière vitivinicole comprenant un large éventail d’actions que je souhaite opérationnelles pour 2024.
Le changement climatique frappe durement le vignoble occitan : l’excès d’eau faisant exploser le mildiou dans le Sud-Ouest quand la sécheresse pèse sur le littoral méditerranéen. Comment piloter l’avenir de la production viticole entre ces extrêmes ?
La gestion des vignobles face au changement climatique est un défi majeur de cette décennie.
Au-delà des aides exceptionnelles à la suite d’épisodes de gel, grêle ou de sécheresse, nous soutenons l’adaptation des pratiques, que ce soit en matière de productions ou de gestion de l’eau. La Région investit activement dans l’hydraulique et l’irrigation, que ce soit pour l’extension des réseaux, l’économie d’eau et la gestion qualitative des ressources en eau. A ce titre, ce sont plus de 118 millions € de crédits régionaux et de fonds européens qui ont versés sur les 5 dernières années.
J’ai aussi souhaité faire de la recherche et de l’expérimentation un axe fort de notre stratégie de lutte contre les maladies et la sécheresse. La Région se situe à la pointe des régions viticoles françaises sur ce sujet. Sous notre impulsion, un plan ambitieux de déploiement des cépages résistants a été bâti par les organisations professionnelles régionales. Nous investissons chaque année plus de 300 000 € pour faire avancer les essais et en faire bénéficier l’ensemble de la filière. Il s’agit aussi bien de programmes de création variétale fondés sur des cépages emblématiques d’Occitanie, comme les programmes Gascon’ideos dans le Gers ou Picpoulideo en Languedoc, que des expérimentations conduites sur les cépages Resdur et les cépages « bouquets » en vue de leur classement. Les résultats sont là et prometteurs pour l’avenir !
Un enjeu européen actuel est la réglementation SUR pour réduire l’usage des produits phytos, avec des risques d’impasse pour la viticulture. Comment allier le virage agroécologique demandé par la société et les difficultés de rentabilité des exploitations ?Il y a en effet un équilibre à trouver en gardant comme cap ce qui fait la spécificité et la renommée de nos vignobles : la qualité. La profession est mobilisée depuis de nombreuses années sur le sujet de la réduction des intrants et, plus largement, sur la question de l’adaptation au changement climatique. Il faut saluer le travail des producteurs régionaux qui ont anticipé et investit pour transformer leurs pratiques en s’engageant dans des modes de production plus respectueux de l’environnement. L’Occitanie est d’ailleurs aujourd’hui la première région viticole bio, avec près de 60 000 hectares certifiés ou en conversion. Au-delà du bio, c’est un effort collectif pour améliorer globalement la qualité des vins produits qui a été réalisé et qui est largement reconnu, comme en témoigne le succès de nos vins sur les marchés internationaux. Rappelons que l’Occitanie est la première région française exportatrice de vins en volume, avec près d’un milliard d’euros de chiffre d’’affaires !
L’objectif européen que vous évoquez ne doit pas aboutir à des impasses techniques qui casseraient cette dynamique et remettraient en question la viabilité des exploitations. Il faut savoir accompagner dans le temps les démarches de progrès scientifiques et techniques et leur traduction sur le terrain. Nous venons de l’évoquer, je crois beaucoup en l’innovation variétale comme réponse aux enjeux sociétaux, climatiques et économiques que connait la filière. Mais il faut aussi pouvoir répondre rapidement aux difficultés que connaissent actuellement certaines exploitations et entreprises avec des baisses de rendement qui menacent leur rentabilité et pérennité. Je suis convaincue que c’est par la création de valeur ajoutée qu’elles pourront faire face, en étant offensives et organisées commercialement, innovantes sur le plan marketing et sur le plan des profils produits, avec l’objectif de répondre à l’évolution des modes de consommation. Nos nouveaux dispositifs d’aides, lancés cette année, proposent des solutions concrètes comme le recrutement de commerciaux et de qualiticiens, l’aide à la digitalisation et aux démarches de certification, le développement de l’agrotourisme ou encore l’aide à l’export qui demeure une voie privilégiée de développement.
Aujourd’hui Toulouse est ville européenne du vin, mais Montpellier revendique le titre de capitale du vin. Ces deux pôles régionaux sont-ils le symbole des concurrences entre chapelles viticoles ou la promesse de synergies futures ?
La force de notre viticulture, au-delà de la qualité, c’est sa diversité. Entre nos deux bassins viticoles, ce sont les complémentarités à renforcer qui m’intéressent, notamment en matière de différenciation des vins d’Occitanie sur les marchés. Nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, l’ensemble des acteurs régionaux de la filière a su se réunir, travailler ensemble, pour mettre en commun des idées et des moyens. C’est dans cet esprit que je veux continuer à faire progresser la filière viticole régionale. La Région continuera d’être à l’écoute et aux côtés de tous les professionnels.