Vous êtes fou !”, m’a-t-on dit à l’atelier de GRV, il y a quatre ans. Puis ils l’ont fait quand même ! », s’amuse à raconter Guillaume Pigneret, vigneron installé sur 35 ha à Marcilly-lès-Buxy, en Saône-et-Loire. La folie en question, c’est d’avoir demandé la transformation d’un épandeur porté sur enjambeur en un outil traîné et de plus grosses dimensions ! Et pas n’importe lequel : l’épandeur appelé "Standard" de GRV, conçu pour les gros volumes de matières fibreuses comme le fumier, le compost, etc., épandu vers l’arrière ou latéralement. « C’est du gros matos pour de la vigne étroite, reconnaît le vigneron, peut-être le plus gros. Je ne connais pas de matériel comparable. Mais ce n’est pas une finalité en soi. Notre objectif est multiple. Tout d’abord épandre de grosses quantités de compost de fumier. Ensuite, nous voulons le faire en tassant le moins possible les sols, car nous avons constaté qu’on tassait trop avec l’épandeur monté sur le plateau porteur de l’enjambeur. Après trois ans d’utilisation, nous sommes contents de notre matériel. Il fait le travail, et sans casse. Nos objectifs sont atteints. »
Cet épandeur repose désormais sur deux essieux et sur un châssis fabriqué spécialement. L’ensemble formé par l’enjambeur Bobard 1096 qui tire l’épandeur double essieux circule donc sur huit roues. « C’est impressionnant », confie Guillaume Pigneret. En effet, les photos qu’il a postées l’hiver dernier sur Facebook ont suscité une avalanche de commentaires et questions. La plus récurrente concerne le rayon de braquage de l’ensemble, qui paraît a priori assez long. « L’engin nécessite une tournière de 5,5 m, précise le vigneron. Et nous avons 7 m. Donc ça passe sans problème. » Les internautes applaudissent.
Mais la fascination vient aussi de la capacité de la bête, bien supérieure à celle du modèle d’origine de GRV, dont le plus grand accepte 2 m3. « Mon Standard fait 5 m3. J’y mets entre 4,5 et 5 t de compost de fumier, précise Guillaume Pigneret. C’est idéal pour notre usage. On épand de grosses quantités, dans les 30 à 40 t/ha en fonction des parcelles, tous les deux ou trois ans. Chez nous mais aussi à la demande, ailleurs. »
« Pour que l’épandeur assure cette distribution, après le déchiquetage par le hérisson, le compost de fumier est pris sur quatre plateaux au niveau de la table d’épandage arrière. Résultat : on va une fois et demie à deux fois plus vite qu’avec le modèle porté. Et l’émiettement du fumier est meilleur. En général, on roule à 2,5-3 km/h pour épandre 30 t/ha. Parfois, quand on dose moins, on va plus vite et on descend à 10 t/ha. »
Afin d’atteindre ces performances, il a été nécessaire de réaliser plusieurs adaptations. Premièrement, fabriquer un châssis spécifiquement adapté à l’épandeur. Qui plus est à voie variable hydraulique, de 105 à 125 cm. Puis fabriquer la liaison avec l’enjambeur. « Il s’agit d’un attelage positionné comme sur la sellette d’un camion, décrit René Grosjean, dirigeant de GRV. L’épandeur est tracté par le milieu de l’enjambeur. Il s’agit d’un timon bien spécial. »
Il a aussi fallu trouver une solution afin d’optimiser le volume et le poids à emporter. « À l’avant de la caisse de l’épandeur, il y a une rehausse qui protège le système hydraulique et qui se déplie pour augmenter le chargement, décrit Guillaume Pigneret. C’est un système basculant que l’on appelle une casquette, qui permet d’augmenter la capacité de la machine. »
« La correction de dévers donnée sur les essieux est une autre de ces adaptations, décrit Guillaume Pigneret. Ensuite, GRV a monté des moteurs hydrauliques Poclain sur les roues arrière de façon à soutenir l’enjambeur dans les montées. Dans la même logique, cette motricité retient l’ensemble en descente. Le contrôle de cette motorisation s’effectue en cabine à l’aide d’un potentiomètre. »
Également au registre des particularités, GRV a installé une flèche directionnelle hydraulique. « Cela permet de positionner l’épandeur au bon endroit dans les tournières, précise René Grosjean. Cette fonction se révèle aussi très utile pour rattraper le glissement de l’outil dans les dévers. » Au final, Guillaume Pigneret se retrouve avec un outil dont la capacité de travail est digne de ceux que l’on trouve en polyculture-élevage. L’inspiration charolaise, toute proche.
D’abord non… puis oui ! À la tête de GRV, René Grosjean avait d’abord refusé de fabriquer le prototype souhaité par Guillaume Pigneret. « À force de le voir insister, nous y avons réfléchi, concède-t-il. Puis je lui ai dit ce qu’on pouvait imaginer. Ça a représenté un gros travail de fabrication. Au lieu d’une centaine d’heures pour un épandeur Standard classique, celui-ci sur châssis a nécessité plus du double. Nous avons facturé ce modèle unique plus de 70 000 €. Il faut dire qu’il comprend beaucoup d’adaptations. Et c’est une machine de bien plus grosse capacité que la norme. »