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"Pas de tabou" mais du réalisme pour sortir de crise les vins et vignerons de Bordeaux
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Un préfet à la barre
"Pas de tabou" mais du réalisme pour sortir de crise les vins et vignerons de Bordeaux

Un préfet à la barre de la crise des vins de Bordeaux : le point avec Étienne Guyot et ses administrations sur les demandes de soutien du vignoble et les réponses apportées à date.
Par Alexandre Abellan Le 16 octobre 2025
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En poste depuis janvier 2023, Étienne Guyot se souvient avoir trouvé à son arrivée la crise viticole comme premier sujet à traiter. - crédit photo : Alexandre Abellan (archives 2024)
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éunissant ce 16 octobre la cellule opérationnelle pour la viticulture puis les parlementaires girondins du vignoble, le préfet Étienne Guyot mesure l’ampleur de la crise et de l’urgence dans le vignoble. Le récent suicide du vigneron Jonathan Mayer pesant sur les mémoires. « Cette cellule se situe après cet événement qui est toujours dramatique, le suicide d'un agriculteur, et qui amène toujours à s'interroger sur ce que l'on peut et doit faire de plus » reconnait le préfet de la Gironde et de la région Nouvelle-Aquitaine, qui annonce la création d'un groupe de travail pour améliorer le soutien aux viticulteurs*. Et fait plus globalement de la vigne un « sujet absolument prioritaire » et de mobilisation des services de l’État alors que les signaux d’alerte se multiplient. De la baisse continuelle des commercialisations (-7 % en un an, avec 3,25 millions d’hectolitres sur la campagne 2024-2025) à l’action non-revendiquée contre des vins vendus à bas prix aux enchères judiciaires (23 €/hl).

Propositions syndicales

Les Jeunes Agriculteurs de Gironde demandant une préemption par l’État des lots de vins vendus en liquidation judiciaire en dessous des prix de distillation de crise (75 €/hl en AOC) pour préserver les marchés (qui perdent toute référence de valeur), le préfet demande une étude fine de l’outil proposé et de ses conséquences pour savoir « comment ça marche », pour « l’objectiver » et déterminer « jusqu’où va-t-on ? Sur un territoire ou au national ? » Plus le mécanisme pouvant être large (et sollicité par d’autres secteurs en difficulté), plus il nécessitera des « garde-fous pour un dispositif extrêmement dérogatoire » prévient Étienne Guyot.

Autre proposition abordée en cellule opérationnelle : la création d’un Établissement Public Foncier (EPF) portée par la Confédération Paysanne de Gironde pour racheter les vignobles menacés de déshérence, mais continuant à produire et s’endetter faute de reprise. « Il n’y a pas de problème pour aborder ce sujet, il n’y a pas de tabou » indique le préfet en amont de la cellule, prévenant qu’il faudra une demande précise pour porter le projet : « créer un établissement national foncier, c’est une décision nationale, ministérielle voire par décret ». Sachant qu’il faudrait articuler un tel outil avec la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). D'après les retours de la Conf' à l'issue de la cellule, l'appui au projet est unanime de la part des autres représentants de la filière (FDSEA, Jeunes Agriculteurs, Coordination Rurale, collectif Viti33, Chambre d'Agriculture, interprofession, caves coopératives...). Dans un communiqué, la préfecture indique après la cellule qu'« un groupe de travail sera réuni très prochainement sur l’intérêt et les conditions de création d’un établissement public foncier dédié à la restructuration des parcelles de vignes arrachées afin de faciliter leur remise en culture pour des productions alimentaires. Ces travaux associeront les collectivités territoriales, l’EPF Nouvelle-Aquitaine, la SAFER, la chambre d’agriculture, les banques et les représentants professionnels. »

Dégradation de la situation

Dans tous les cas, Étienne Guyot souligne qu’« il est important que la réflexion continue. Je suis ouvert à tout échange dans le contexte de dégradation de la situation. On voit bien qu'on a une augmentation du nombre de procédures. On est passés de 34 procédures collectives en 2022 à 107 en 2024 » au tribunal de Bordeaux. Et il y en a déjà 93 pour l’année 2025 s’arrêtant ce début octobre. Sans qu’il y ait de chiffres, l’augmentation des demandes de recours aux dispositifs d’activité partielle et d’aide au maintien des salaires de salariés témoigne des difficultés croissantes pour Ali Kebal, directeur départemental adjoint à la Direction de l'emploi, du travail et des solidarités de la Gironde (DDETS).

Plans d’arrachage

Face à l’ampleur de la crise viticole, la préfecture fait le bilan de ses actions passées. « Depuis 2023, nous avons dépensé 135 millions € sur divers dispositifs de crise dans le secteur agricole. La vigne occupant dans le département une place essentielle » indique le préfet (la vigne représentant les 3/4 de la production agricole départementale). Après les plans d’arrachage locaux et nationaux (12 263 hectares de vignes, avec le dispositif national à 4 000 €/ha pour 3 866 ha et les primes régionales à 6 000 €/ha pour 6 095 ha en diversification et 3 426 ha en renaturation) et les arrachages volontaires, le vignoble girondin a perdu 18 000 ha entre 2023 et 2025 : soit -10 % de sa surface viticole (passant de 110 à 92 000 ha). D’après un sondage réalisé cet été, la Chambre d’Agriculture de Gironde estime qu’il faudrait encore arracher 5 500 ha pointe le préfet, qui a remonté l’information à l’exécutif : cette demande s’inscrivant désormais dans un cadre national et européen, une enquête nationale de FranceAgriMer devant chiffrer le besoin français, quand la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, vient de solliciter les réserves européennes de crise pour financer l’arrachage définitif. « À ce stade, je ne connais pas la réponse réservée » précise le préfet, qu’il s’agisse des demandes de Bordeaux ou de Cognac**. Sachant qu’une fois obtenus, les dispositifs de soutien connaissent des fortunes diverses selon leurs modalités d’application.

Relance commerciale

Ayant instruit et payé les 97 dossiers de fonds d’urgence aux jeunes viticulteurs de Gironde (pour 749 000 €), les services de l’État constatent que le guichet ouvert pour les prêts de consolidation n’a pas le même succès, avec seulement 56 dossiers déposés (et 38 en paiement). « Il n’y a pas d’engouement très marqué » constate Matthieu Escaffre, le directeur de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), avançant que « c'est de la consolidation de trésorerie et quand on est dans une crise assez profonde, l'enjeu n'est pas forcément de consolider la trésorerie mais de trouver des débouchés. » Le développement commercial étant un levier capital de sortie de crise : « c’est fondamental. Le plan d'arrachage a pour objectif de diminuer l'offre pour faire remonter les cours. Mais à côté de ça, il y a tout un plan qui est mené par l’interprofession en France et à l'étranger, pour que le consommateur ait à nouveau envie de boire du vin » pointe le préfet, qui appelle à développer les actions collectives à l’étranger.

Si on veut maintenir la viticulture, il faut qu'elle rémunère le producteur

« La profession est dans une démarche très proactive pour essayer de trouver des solutions plutôt que d'être dans la résignation » abonde Thierry Touzet, le directeur adjoint de la Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF), rapportant « une approche très combative avec les idées, avec une volonté aussi d'augmenter la promotion, de travailler sur le profil des vins alors que l’on approche de l'équilibre quantitatif entre offre et demande. » La valorisation étant un autre volet de la sortie de crise : « la profession travaille sur un prix de sortie de filière qui permettrait de prendre en compte le coût de production dans l'élaboration du prix final » relève Thierry Touzet, relevant les propositions d’évolution de la loi Egalim : « si on veut maintenir la viticulture, il faut qu'elle rémunère le producteur ». Sachant que sur le sujet des Organisations de Producteurs (OP), il n’y a pas de consensus comme le constate le préfet.

 

* : La Mutualité Sociale Agricole annonce que « 1 115 échéanciers de paiement ont été accordés portant sur 11 millions d’euros de cotisations, 1 279 remises de majorations de retard ont été faites pour 1,1 millions d’euros et 626 chefs d’exploitation ont bénéficié de prise en charge de cotisations pour un montant de 2,1 millions d’euros. Sur le plan social, 321 agriculteurs ont bénéficié d’une aide au répit et 135 sentinelles ont été formées. »

** : Alors que Cognac vient de chiffrer ses excédents de surfaces viticoles (3 500 ha à arracher définitivement et 7 à 10 000 ha à arracher temporairement), le préfet souligne que la demande de distillation de crise est également portée avec insistance par la filière charentaise.

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