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Mardi 08 juillet 2025 share tweeter share facebook share linkedin

Plaisir du vin, nécessités et désir. Constats œnologiques, profils des vins et satisfaction des consommateurs. La crise n’est pas que de surproduction…

Communication rédigée par Hervé Romat Conseil
Plaisir du vin, nécessités et désir. Constats Ã…“nologiques, profils des vins et satisfaction des consommateurs. La crise n’est pas que de surproduction…
"Le plaisir est une sensation corporelle" affirmait Aristote, ce dont on aurait dû/devrait davantage tenir compte. En effet, de nombreux vins rouges se sont « construits" sur des profils où la notion de consommation par plaisir sensitif a été trop souvent oubliée, au profit de commentaires valorisants censés donner envie au consommateur d’acheter et de consommer, et de garantir une "qualité".

Cependant, la disparition de l’aspect « alimentaire » du vin au profit du plaisir, semble ne pas avoir intégré cette réalité organique/sensitive des vins rouges. Il est pourtant reconnu que sur les sensations gustatives, la richesse tanique ne peut s’accepter/s’accommoder qu’avec des protéines (et souvent animales) et des lipides. Il semble donc que l’on ait voulu oublier, voire défier cette évidence organique, et de plus, dans un environnement d’évolution de l’alimentation et de la gastronomique, où les 2 composantes précitées ont très largement diminué, voire presque disparues dans certains cas ; et sans parler de la consommation hors repas…soit totalement à contre-sens de l’attente/acceptation des consommateurs. Qui veut/peut vraiment consommer dans ces nouvelles conditions des vins sur-muris, sur-extraits et sur-boisés, pour beaucoup taniques-durs-secs-amers, de 15% d’alcool, et en plus dans des ambiances de températures extérieures plutôt chaudes > 30°C ?...
 
Ce n’est pas tant le fait que certains  de ces vins rouges existent, mais c’est plutôt et surtout que l’on ait voulu en faire durant ces dernières décennies, une théorisation d’une hiérarchisation qualitative, basée quasi uniquement sur ce mono-profil de concentration ; et en négligeant les aspects naturels et pourtant fondamentaux en particulier d’expressions, de terroirs, et en dénigrant les vins moins « capiteux », mais poutant offrant souvent plus de personnalité, d'élégance, de compléxité, de suavité, d'équilibre et de longeur. On pourrait ainsi définir une certaine nécessité de palette d’expression, de complexité, de découvertes multiples, voire de surprises… qui se sont malheureusement étiolées au cours des dernières années, offrant au contraire une certaine lassitude d’un mono-profil se voulant abusivement « absolu ». La dernière méta-étude des profils vins rouges du CIVB est venu s’imposer pour nous le rappeler !
 
L’Œnologie a donc la nécessité de prendre en compte que : la surmaturité ne peut pas remplacer la qualité et la noblesse d’un terroir ; l’élaboration doit être adaptée aux différents types de terroir-viticulture et de climatologie ; une surmaturité et une sur-extraction sur un grand terroir annihile très souvent sa complexité ; le « boisage » ne fait pas l’élevage du vin (et donc ne contribue pas automatiquement à sa stabilisation) ; toute intervention technologique mal adaptée peut contribuer à une perte qualitative ; toute évolution microbiologique induit une répression qualitative, etc…L’Å“nologie doit donc intervenir dans l’accompagnement des différentes étapes d’élaboration et de profils, et elle ne doit pas se transformer en « Œno-technologie » trop souvent édictée ; et se contenter d’appliquer des pratiques/recettes préétablies et très/trop fréquemment à contre-emploi, en négligeant particulièrement terroir et climatologie, pour s’inscrire dans un itinéraire adaptatif.
 
Le désir, rime avec curiosité, espoir, et promesse, avec une certitude de trouver/toucher à un joyau. Cependant, dans de trop nombreux vins rouges on a oublié les fondamentaux des stabilités « naturelles » : telle que d’expression (liée à l’oxydo-réduction), de matière colorante (couleur) et phénolique (tanins), mais aussi microbiologiques, voire chimiques ; souvent devenues plus difficiles à obtenir pour avoir extrait des composés inhibiteurs ou difficilement stabilisables, voire oxydatifs ou réducteurs ; oubliant que le vin n’est pas complétement un liquide, mais une solution « colloïdale » qu’il faut stabiliser par l’élevage. En effet, les conditions climatiques ont changé la constitution du raisin (et ce depuis déjà de nombreuses années), mais les approches de vendanges, de vinifications et d’élevage n’ont pas été appréhendées et adaptées à ces évolutions, restant pour beaucoup bloquées sur des modèles des années 90, d’une toute autre climatologie. Les conséquences sont multiples en synergie négative, induisant des instabilités mal appréhendées, avec la conséquence dramatique de ne pas mettre en bouteilles le vin que l’on avait voulu/imaginé, et pour certains qualifiés/notés, en cours d’élevage.
 
Ainsi, la promesse présupposée qualitative et caractérisée comme telle, prédéfinissant le statut/la note/la hiérarchie, ne pouvait/peut pas être tenue. Quelle plus grande déception et de plus anti-commercial qu’une promesse non tenue ! Les simulacres ont alimenté une certaine perfidie, voire une arrogance aveugle, une défiance au consommateur, alors que « Simuler est feindre d'avoir ce qu'on n'a pas » nous dit Baudrillard. Comment alors ne pas comprendre la déception, le désamour, la perte de désir, comme un thérapeute pourrait le dire ! Ainsi, le désir n’a pas pu/ne peut pas perdurer dans ces conditions dégradées d’une non-récompense qualitative (voire émotionnelle) à l’achat/consommation, où de trop nombreux vins se sont retrouvés « différents » de l’origine pré-vendue, et de plus, dans un contexte plus exigeant de consommateurs de plus en plus « avertis ».
 
Au-delà de se projeter dans un (nouveau) profil donné, le plus important nous contraint à nous questionner sur les différentiations d’élaboration en fonction du potentiel réel des terroirs, de l’adaptation aux changements de constitution des raisins par les modifications climatiques,  à la nécessité d’un élevage de stabilisation, et nécessaires à l’obtention de vins « fiables », offrant la garantie de bonne fin au-delà de son profil, pouvant faire renaitre un désir, une promesse de plaisir (d’une émotion), d’une (bonne) surprise…
 
Le Vin venu du Néolithique (80 siècles) mérite mieux ! Le vin a en effet fait rêver nombre d’humains, de Pharaons, de Rois, de poétes, de personnes plus humbles, et de consommateurs que nous sommes. La crise viticole actuelle est beaucoup plus profonde que la surproduction, concernant plusieurs aspects, et nous contraint ainsi à une remise en question sur nos pratiques de production, mais aussi de marketing et commerciales.
 
Cette boisson « alchimique » issue de la transformation du raisin doit nous obliger à sortir des « pensées magiques », simplistes et réductrices trop souvent assénées (« Paradigme de simplification », Edgar Morin), dans un devoir de procurer du plaisir, d’une nécessité de faire le meilleur, voire créer un désir, transmettre une émotion, en travaillant conjointement avec rigueur, sensibilité et sincérité ; en s’inspirant de la pensée complexe d’Edgar Morin dont on pourrait transposer, paraphraser, et s’inspirer de son dernier livre « Cheminer vers l’essentiel » ! 
 
 
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