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Mercredi 07 juin 2017 share tweeter share facebook share linkedin

Vins sur-extraits : problématiques de la stabilité, de l’embouteillage et de leur évolution

Communication rédigée par Hervé Romat Conseil
Vins sur-extraits : problématiques de la stabilité, de l’embouteillage et de leur évolution
L’évolution des dernières années a conduit à avoir de plus en plus de concentration, pour aboutir à des vins que l’on pourrait qualifier de « sur-extraits ». Mais ces vins sont-ils semblables sur le plan de leur comportement, en particulier vis-à-vis de leur stabilité, de leur clarification, de leur embouteillage, et de leur évolution en bouteilles?


La  concentration/sur-extraction est le fait de nombreux facteurs qui se superposent : évolution climatique qui conduit à des maturités plus complètes, voire à des surmaturités induites et involontaires (2015 et 2016) ; recherche d’une surmaturité quasi systématique dans de nombreux châteaux-régions-pays ; méthodes de vinifications par macération préfermentaire à chaud ou à froid, et vinifications avec de plus en plus d’extraction ; durées de cuvaison de plus en plus longues ; ajout de vin de presse ; volonté globale d’avoir de plus en plus de concentration.

Toutes ces opérations conduisent à une plus grande concentration en couleur et en tanins en particulier, mais aussi en polysaccharides favorables et/ou défavorables. Cela peut en faire des vins séducteurs en primeurs, mais une des conséquences immédiates est que la constitution « colloïdale » en est donc largement changée. En effet, le vin n’est pas  un liquide « simple », mais dit « complexe » de type « solution colloïdale » ; c'est-à-dire où de nombreux éléments (dont en particulier la matière colorante) ne sont pas que sous forme totalement liquide, mais sous 3 états : état soluble normalement stable ; état précipité/solide généralement irréversible ; état intermédiaire dit « métastable », où les composés peuvent alors devenir soit solubles ou soit solides, suivant les conditions de milieu et environnementaux (dont température). Ces différents états dépendent des conditions de vinifications et d’élevages, et de l’équilibre global du vin. Par ailleurs, les différents polysaccharides impliqués dans ces différents états, sont soit sous forme de colloïdes protecteurs maintenant ou empêchant la stabilité, soit de colloïdes associés dans les formes précipitées.

L’aspect colloïde protecteur peut empêcher l’association de certains composés, dont les différentes composantes de la matière colorante (anthocyanes et tanins) qui peuvent alors rester instables, ce qui pose différents problèmes : d’une part directement avec des difficultés de stabilisation de cette matière colorante et/ou de la stabilité tartrique ; d’autre part indirectement contribuant à une mauvaise clarification naturelle, accompagnée de très mauvaises filtrabilités ; enfin et en conséquence pour être une source de maintien de populations microbiologiques, pouvant conduire à des déviations. Pour ce qui est de la forme solide, associée à des colloïdes, c’est ce que l’on retrouve dans les lies, et qui est directement éliminé, constituant dans ce cas une perte directe pouvant être importante pour ces vins concentrés-sur extraits. Pour la partie polyphénolique instable, elle peut être éliminée par collage ou par filtration. Malheureusement, dans les cas où l’on voudrait les éviter, cela conduira à des vins troubles en bouteilles de turbidités élevées (souvent > 10 NTU), où des agglomérats finiront par précipiter, dégradant la présentation du vin…

De plus, en parallèle, dans de nombreux cas il est constaté des concentrations plus importantes en gaz carbonique, ce qui rajoute une composante de difficulté supplémentaire, et participe à une sensation de dureté des tanins. Et on pourrait ajouter que l’utilisation des alternatifs boisés rajoutant des tanins (pas des plus nobles) et des polysaccharides divers, complexifie encore plus les problématiques évoquées, et hypothèque largement une bonne évolution.
Ainsi, les pratiques d’élevage héritées des différents travaux scientifiques et observations des années passées, ne s’appliquent plus vraiment à ces nouvelles constitutions, et laissent ces vins dans des états instables, difficilement transférables à l’identique en bouteilles, et n’ayant donc pas une perspective de bonne évolution en bouteilles.

Dans ce sens, pour travailler sur ces sujets depuis de nombreuses années, on observe régulièrement des évolutions inhabituelles de nombreux de ces vins « concentrés-sur extraits » en bouteilles, montrant une évolution assez rapide avec des dégradations qualitatives : pertes d’expressions aromatiques, évolutions négatives de texture et d’équilibre, dégradation de la persistance aromatique positive ; conduisant donc à des écarts important avec les descriptions ou notes de leur jeunesse, et à des déceptions fréquentes des acheteurs/consommateurs.
Elaborer un grand vin ne peut/doit donc pas s’inscrire dans une immédiateté de séduction, mais dans une perspective de stabilité et de fiabilité, et devrait surtout démontrer les capacités de bonne évolution lors de son élevage et de son vieillissement en bouteilles, ainsi que de révéler dans le temps toutes les qualités présupposées. On ne peut donc malheureusement faire aucune confiance aux apparences, comme prendre la concentration pour une qualité absolue, et s’efforcer toujours de découvrir sous l’opulence la réalité qualitative.

E. Peynaud en son temps, et souvent repris par D. Dubourdieu, disait d’un vrai grand vin, que l’essentiel de la qualité n’était pas dans la concentration mais surtout dans l’élégance et l’équilibre. Je rajouterai que le corollaire de cette exigence nécessaire pour la meilleure évolution, et malheureusement de plus en plus d’actualité, est que la stabilité et la fiabilité en soit la quintessence !
 

 

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