es problèmes de résistance aux produits phytosanitaires des principaux champignons de la vigne – mildiou, oïdium et botrytis - et les conseils pour limiter leur risque d’apparition, ont été retranscrits dans une note nationale, rebaptisée "note technique commune maladies de la vigne 2013". Concernant l’oïdium, le plan de surveillance a essentiellement porté sur la famille des QoI, pour laquelle les problèmes de résistance en 2012 se sont encore amplifiés.

Depuis plusieurs années, des mutations de gènes de certaines souches de champignons – mildiou, oïdium et botrytis - sont relevées. (© Terre-net Média)
Mise en place dans le cadre du plan de surveillance du programme Ecophyto, la "note technique commune gestion de la résistance 2013 maladies de la vigne" vient d’être publiée. Rédigé par un groupe de travail d’experts au niveau national*, ce document fait tous les ans le point sur les situations de résistances rencontrées dans les différents vignobles français et sur les préconisations qui en découlent. Depuis plusieurs années, des mutations de gènes de certaines souches de champignons – mildiou, oïdium et botrytis - sont en effet relevées, induisant des résistances envers certaines familles chimiques de produits phytosanitaires, qui de fait, perdent en efficacité.
Pour l’oïdium, le plan de surveillance a principalement porté en 2012 sur la famille chimique des "QoI" ("Quinone outside inhibitors", famille des strobilurines), pour laquelle de plus en plus de phénomènes de résistances sont constatés depuis 2008. « Sur 80 échantillons prélevés dans les différents vignobles, le pourcentage moyen d’allèles mutés dans les populations analysées passe de 0 % en 2008 à 44 % en 2012 », a expliqué Jacques Grosman, lors des Entretiens vigne-vin Languedoc-Roussillon de l’Ifv. Par ailleurs, la proportion de parcelles pour lesquelles les taux de mutations sont très importants ou importants ne cesse d’augmenter, et ce, quasiment dans toutes les régions viticoles suivies. « La situation de la résistance qui s’était fortement dégradée entre 2009 et 2011 a donc poursuivi sa progression en 2012 et concerne désormais pratiquement tous les vignobles », poursuit l’expert.

Les taux de parcelles où les proportions de souches résistantes au QoI sont très importantes (sur le graphique, en marron) ne cessent de progresser depuis 2008. (© Dgal-Sdqpv)
Les essais d’efficacité contre l’oïdium d’une spécialité phytosanitaire à base de QoI, conduits parallèlement, confirment ce constat. Des tests comparatifs d’efficacité des différentes familles chimiques de produits anti-oïdium– un QoI, deux Idm, un quinoxyfène et un alternant les trois - ont en effet été menés, à raison de trois applications positionnées entre la pré-floraison et la nouaison, encadrées par des applications de soufre en pré et post-floraison. Un essai "témoin fenêtre" a également été mis en place, c'est-à-dire sans protection sur la période pré-floraison – nouaison, mais uniquement avec du souffre en pré-floraison et post-floraison.
Alors que le témoin "vrai" (qui a reçu zéro protection) a subi 100 % d’attaques sur grappes en fréquence et en intensité, le programme "QoI" a des résultats équivalents à ceux du témoin fenêtre : entre 70 et 80 % en intensité d’attaques sur grappe. « Ce qui revient à dire qu’entre un traitement QoI et l’absence de protection sur la fenêtre "pré-floraison-nouaison" revient exactement au même ! », a commenté Jacques Grosman. A partir d’une seule application, une baisse d’efficacité est observée.
Quant aux programmes "Idm", "Quino" et "alternance" , leur efficacité est comparable, avec 3 à 11 % d’intensité d’attaques sur grappe, soit 80 à 90 % d’efficacité en intensité. Pour la famille chimique des "QoI", les experts recommandent donc dans la note technique de ne pas dépasser une application par an et de préférence, en association avec un produit à mode d'action différent.

La carte de France des souches d'oïdium résistances aux QoI: la résistance aux QoI, détectée pour la première fois en France en 2008 dans le vignoble d'Armagnac, avait progressé en 2009 mais était restée cantonnée à cette zone viticole. En 2010, la situation s'est détériorée puisque des populations contenant des souches résistantes ont été découvertes dans sept autres régions viticoles. En 2011 et 2012, quasiment tous les vignobles sont concernés. (© Dgal-Sdqpv)
Concernant les spécialités à base "d’Ibs" (ou Idm, "inhibiteurs de la déméthylation"), là aussi, le nombre de mutations a progressé ces dernières années, mais dans une moindre mesure et de façon plus irrégulière. De plus, leur sensibilité à la résistance reste plus faible que celle des "QoI". Malgré les taux de mutations importants rencontrés, les essais d'efficacité en situation de résistance ne montrent en effet pas de baisse significative d'efficacité au terrain. « Le risque de résistance au vignoble, donc de perte d’efficacité, reste sans doute plus faible », résume Jacques Grosman. Les experts préconisent donc de ne pas utiliser le même Idm sur la saison et de les limiter à trois applications, de préférence deux, non consécutives.
Les tests biologiques réalisés sur quinoxyfène confirment la présence de populations résistantes dans quelques échantillons. Cette surveillance sera poursuivie dans les années à venir. La note technique conseille donc la limitation à deux applications maximum, de préférence non consécutives, qui doit être respectée strictement, en prenant également en compte le proquinazid.
Pour les autres familles d’anti-oïdium, consulter la note technique.
Pour les produits anti-mildiou, les problèmes de résistances aux "Caa" restent également très présents. Malgré la baisse d’utilisation de ces fongicides, constatée ces trois dernières années (moins de 1 traitement en moyenne), la résistance est toujours fortement installée (80 à 90 % de sites présentent des souches résistantes). « La substance active associée au Caa joue un rôle important pour sécuriser l'efficacité de la préparation. La restriction à une application annuelle (éventuellement 2 au plus, non consécutives) s'impose donc toujours. De plus, ne pas utiliser les produits à base de Caa sur attaque déclarée », peut-on lire dans la note technique.
Les "Qil" restent également concernés, même si en 2012, seules quatre populations contenant quelques souches résistantes ont été détectées sur 95 testées : « même si cette résistance ne semble pas progresser actuellement, il est recommandé de ne pas dépasser deux applications par an avec des préparations contenant l'une ou l'autre des substances actives : cyazofamide et amétoctradine. »
Pour les "QoI" et les "anilides", très affectées par la résistance, il sera nécessaire de s'assurer, par des essais de terrain, que les substances actives concernées "participent encore à l’efficacité des préparations qui les contiennent". Leur efficacité anti-mildiou est souvent exclusivement liée à la nature et à la dose de la (ou des) molécules (s) associée(s).
Pour les autres familles d’anti-mildiou et les problèmes de résistance des anti-botrytis, consulter la note technique.
Enfin, le document rappelle l’importance de la prophylaxie et de la qualité de pulvérisation, des « mesures préventives indispensables pour améliorer la stratégie de protection en limitant les risques de résistance ».
*Dgal-Sdqpv, Agence nationale de sécurité sanitaire-Unité résistance aux produits phytosanitaires (Anses-Rpp), Inra, Civc, Ifv et Chambres d’agriculture.