De la pourriture acide, on en a tous les ans, on connaît la parcelle qui nous enquiquine à chaque fois. Mais en 2014, il y en a eu partout : même sur les meilleurs terroirs, de graves et d'argile ! » s'exclame Alain Dejean (domaine Rousset Peyraguey). Le vigneron prédit à l'appellation Sauternes une très petite récolte en quantité, prévision qu'il illustre par son domaine, qui était déjà parti d'un petit potentiel à cause du climat (12 hl/ha), et qui tomberait à 6 hl/ha à cause des piqûres acétiques. Alors que les vendanges françaises de liquoreux sont sur le point de se finir, le constat de rendements amputés par la pourriture acide semble généralisé. Sur les coteaux du Layon (Anjou), les tries drastiques permettront « un bon millésime, avec un potentiel fréquent de 18 à 20 degrés alcool, mais avec un faible rendement » rapporte Christophe Marchais (œnologue-conseil au fournisseur Loire Viti Vini Distribution). Le millésime aura été particulièrement compliqué pour les vendanges tardives alsaciennes, avec « beaucoup de pertes de volumes. La pourriture acide n'a pas séché comme on pouvait le croire et le Botrytis ne s'est pas développé en pourriture noble » a pu constater l'œnologue alsacienne Marine Wols (ADAR du Vignoble d'Obernai)
Payée au prix d'une importante perte de récolte, la sélection rigoureuse des raisins permet d'obtenir des lots prometteurs, concentrés en sucres et arômes. Avec un mois de septembre sec offrant un été en décalé, le millésime 2014 aura pris « un virage à 180 °, on n'aurait pas pu le penser au 15 août » souligne Alain Dejean. Les pluies de fin septembre ont permis à Botrytis cinerea de se développer rapidement, les vendanges étant réalisées en quelques tries rapides et très précises au niveau de la sélection. « Avec un profil de vin frais, acidulé, et une petite quantité de récolte, on va manquer : ce millésime devrait plaire, c'est obligé ! » parie déjà le vigneron de Sauternes.
Evénement marquant du millésime 2014, le pourri acide n'aura épargné aucun vignoble. Pour l'instant la seule réaction du ministère de l'Agriculture aura été un courrier conseillant, en urgence, aux vignerons de sortir de leurs parcelles les grappes infectées pour ne pas maintenir de foyers. Si les drosophiles ont peu touché le vignoble bourguignon, l'œnologue Eric Grandjean (Centre Œnologique de Bourgogne) résume bien l'incertitude entourant l'apparition de ce « nouveau fléau, sans que l'on sache pour l'instant s'il s'agit d'une conséquence du climat ou de cette nouvelle drosophile ». L'impact de la fameuse Drosophila suzuki reste en effet sujet à caution, comme le soulignent les essais du chercheur suisse Christian Linder (cliquer ici pour en savoir plus).
[Photo : INRA via Ephytia (Dominique Blancard)]