près le livre publié en mars (40 000 exemplaires vendus), Vino Business va prendre la forme d'un film diffusé ce 15 septembre sur France3 (à 20h45, entre les Borgia et l'Amour est dans le pré). Un documentaire de 80 minutes particulièrement attendu en Gironde. Si le vignoble bordelais y sert d'abord de support pédagogique (de la taille aux vinifications, tout le processus de production est mis en gestes par les acteurs interviewés), il est surtout le symbole des mutations de la filière française des vins (essentiellement sur la rive droite). « J'ai découvert une galaxie qui a tout d'une bulle financière dissimulant ses secrets les plus gênants, la spéculation sur les terres, les classements contestés et l'utilisation massive de pesticides » explique dès l'introduction de son film Isabelle Saporta, qui a chaussé de janvier à décembre 2013 « ses bottes de journaliste spécialisée dans les questions agricoles » et attend de voir son documentaire diffusé pour être soulagée de la pression qui pèse sur son enquête.
Selon la journaliste, empêcher la retransmission de son film est le principal objectif de l'attaque en diffamation de son livre par Hubert de Bouard (le co-propriétaire de l'Angélus, dont l'accession au titre de Grand Cru Classé A de Saint-Emilion est clairement remise en cause dans l'ouvrage). « On se rend compte que le livre ne lui a pas fait plaisir, son anticipation du film est encore pire. Déjà conseillé par Havas, il s'est entouré du cabinet d'avocats Lussan (et de maître Dupeux) : on voit ce que c'est que d'avoir en face la dix-septième fortune française du vin... » nous confie Isabelle Saporta. La journaliste attend avec impatience la diffusion de son documentaire pour démontrer qu'elle n'a « pas pris Hubert de Bouard en traître. On voit très bien qu'il est très content, devant la caméra, de jouer du carillon, de faire James Bond, de montrer qu'il connaît James Suckling, d'aller à la fête de la Fleur... » Se défendant de tout montage à charge, elle laisse à voir et entendre Hubert de Bouard défendre le classement 2012 des vins Saint-Emilion. « Serein, regardez, sur mes barriques », il rejette tout « amalgame » entre ses différentes responsabilités à l'INAO et au Syndicat des Vins de Saint-Emilion et refuse les « polémiques stériles » pour mieux exprimer sa « grande fierté [...] qu'Angélus soit aujourd'hui reconnu avec un statut d'excellence parmi les meilleurs crus qui existent au monde »
Il est fort à parier que ceux qui attendent des sorties cinglantes et caricaturales sur le classement de Saint-Emilion restent sur leur faim au moment du générique de fin de Vino Business. Si la question du classement focalise les attentions, elle n'est abordée qu'à la moitié du documentaire, qui ne s'y attarde pas outre-mesure. Contrairement à l'enjeu des pesticides en viticulture. C'est la « vraie épée de Damoclès que la profession se suspend elle-même au-dessus de la tête » estime Isabelle Saporta (partisane d'une Limite Maximale de Résidus pour les vins). Une position partagée par l'œnologue Pascal Chatonnet (laboratoire Excell) dans le documentaire : « les pesticides en général sont un problème, il faut les aborder franchement avant que ça ne devienne un problème ». Seul propriétaire s'exprimant sur le sujet des produits phytopharmaceutiques dans Vino Business, Jean-Luc Thunevin (château Valandraud, premier grand cru classé de Saint-Emilion) explique clairement qu'avec les « méthodes dites traditionnelles, [traiter] est nécessaire. Toute la question est de savoir s'il faut le faire maintenant en préventif ou à triple dose pour soigner. »
En cette période de Foires aux Vins, la diffusion de Vino Business devrait relancer les polémiques, et ce dès le débat qui suivra dans le journal de Soir 3. En gage de fair play, Isabelle Saporta invite Hubert de Bouard à débattre avec elle sur le plateau : « ça ne manquerait pas de panache qu'il ne soit plus derrière l'écran de tous ses avocats... »
[Illustration : captures d'écran de Vino Business]