n ouverture de la journée d'échanges ''automatisation et robotisation au vignoble'', Gilles Brianceau (directeur du cluster aquitain Inno'Vin, qui organisait cette table ronde) rappelait que la présence de robots à la vigne n'était plus du domaine de la science fiction, mais bien du prototype avancé. « Lors du dernier salon Viteff, un système de pulvérisation viticole sans chauffeur a été primé » soulignait-il. On pourrait y ajouter le projet Vignalex du constructeur Souslikoff (compostage automatisé), la machine de palissage et de pose de câbles des pépinières Thierry Duvigneau (développée avec les équipes du professeur Olivier Ly, INRA)... Ainsi que la première version de son robot autonome Vitirover*, que Xavier David Beaulieu s'apprête à commercialiser. Sa machine de tonte discrète « n'est pas le plus gros tracteur, mais une machine adaptée à la tâche et au temps nécessaire ». Avec cette réflexion, la consommation énergétique du Vitirover est ainsi de 15 à 20 watts. Les projets de robotisation des travaux viticoles ne sont pourtant pas de la première jeunesse rappelait l'enseignant chercheur Gilbert Grenier (Bordeaux Science Agro). Selon lui, l'âge d'or de la recherche en robotique date des années 1980.
« Après le sommet de Versailles de 1982 (sommet du G7), la mise en place de l'IARP (programme international sur la robotique avancée) a débloqué de gros financements publics et a débouché sur des robots agricoles : de labour en grande culture, de taille en viticulture... Présenté il y a trente ans, le robot Dionysos était un enjambeur de récolte du raisin. » Ces modèles n'ont pourtant pas dépassé le stade de la présentation en prototype « malgré les subventions et la créativité en jeu » précise Gilbert Grenier. Pour les experts du secteur a plupart des freins ayant empêché le passage à leur déploiement industriel sont désormais levés : le GPS permet aux machines de mieux se localiser et de pouvoir naviguer de manière autonome, le développement informatique a ouvert des capacités de calcul et de mémoire qui manquaient alors, le développement des capteurs affine la vision artificielle... Lors des tables rondes, il est apparu que la question des technologies de robotisation et d'automatisation allait de paire avec la viticulture de précision, et ses outils d'aide à la décision. Les possibilités actuelles de cartographie des parcelles imposent en effet de nouveaux outils pour pouvoir adapter l'exécution des travaux à la finesse des mesures. Les enjeux de pénibilité et de débits de chantiers viticoles, restent cependant latents, comme le soulignait l'œnologue conseil Michel Gaillard (vignobles André Lurton), « le travail viticole est un travail de main d'œuvre, on cherche forcément à le substituer... »
Mais si la technologie pouvait proposer des robots humanoïdes vendangeurs plus efficaces et compétitifs que l'humain, les verrait-on essaimer le vignoble ? L'acceptabilité par le consommateur, et le professionnel, des technologies robotisées peut en effet poser question. « Faire du vin n'est pas un geste neutre » rappelle en ce sens le sociologue Olivier Sigaud, des mythes bibliques originels aux fêtes villageoises, le vin est en effet un bien culturel (en témoigne son inscription récente au patrimoine national) et non rationnel. Actuellement, « il y a des réalisations en terme d'automatisme (systèmes d'escamotage...), mais tous les besoins ne sont pas couverts » conclut Gilbert Grenier. « La robotique est amenée à se (re)développer, il y a moins de crainte et plus d'attente, en particulier parce que la production agricole connaît des difficultés à trouver de la main d'œuvre saisonnière et qualifiée ».
* : une deuxième génération permettra des observations par caméra (estimations de volumes récoltés, de date de mi-véraison, de pression fongique...). La première version de Vitirover traite optimalement un hectare, ses frais de location et d'entretien sont fixés à 6-7 000 euros.
[Illustration : l'automate du Roi et l'Oiseau, film de Paul Grimault (1980)]