u royaume des consultants, il semble que le communicant ne soit pas encore roi. Stéphane Derenoncourt (Derenoncourt Consultants) peut en témoigner, lui qui concentre le ressenti du vignoble bordelais après un bref interview au Figaro. A un bon mois des primeurs, qui s'annonçaient déjà délicats, il a jeté un pavé dans la mare, jugeant que nombre de propriétés « n'auront pas d'autre choix » que de faire l'impasse sur le millésime 2013 (« déficient pour cause de mauvaise floraison » et sans « bon potentiel de garde »). Ce qu'il a conseillé au château Malescasse et à la gamme ''les parcelles de Stéphane Derenoncourt'' de la maison Bouey. Si l'ancien maître de chai du château Pavie-Macquin ne souhaite plus commenter le millésime, ses confrères sortent quant à eux de leur réserve.
Appréciant généralement le franc-parler de Stéphane Derenoncourt (photo), l'œnologue Pascal Hénot (directeur du centre œnologique de Coutras, à la Chambre d'Agriculture de la Gironde) a tiqué sur l'humilité qu'il affiche. « C'est lui qui en manque en l'occurrence. Il parle comme s'il détenait la vérité, mais la sienne manque de subtilité... » Plus qu'hétérogène, le millésime 2013 est, selon Pascal Hénot, « multiple, il y a une minorité de vins ratés (mangés par le botrytis), mais, à l'opposé, il y a des vins réussis (grâce à la bonne gestion des traitements phytos, le choix des dates de récolte et le terroir) ». La majorité de la production se trouvant entre ces deux extrémités, ce serait un millésime « moyen-bien et pas moyen-moins ». Même son de cloche pour Hubert de Boüard de Laforest. L'œnologue, consultant d'une soixantaine de propriétés bordelaises, se dit effaré par « l'amalgame entre une tactique d'entreprise et un millésime » et peiné « pour les vignerons qui n'ont pas ménagé leurs efforts et se sont battus, à coup d'investissements et d'énergie, pour surmonter une année difficile ».
En appelant au bon sens paysan, Hubert de Boüard ajoute « qu'il ne faut pas condamner sur des aprioris un millésime. Il faut savoir prendre le temps d'attendre... » Loin de vouloir faire passer 2013 pour un millésime exceptionnel, le copropriétaire du château Angélus (premier grand cru classé A de Saint-Emilion) défend donc des « vins plus intéressants que ce que l'on pouvait imaginer », arrivant au niveau du millésime 2008, « voire 2007 ». A plus d'un mois des primeurs, les dégustations laissent entrevoir des vins « fruités, tout en souplesse et rondeur », c'est à dire « très bien inscrits dans le gros du marché » pour Pascal Hénot. C'est un style de « vin d'appétence » que retrouve Hubert de Boüard. « On critique encore les millésimes 2009 et 2010, comme étant trop riches et difficiles à boire. En 2013 on est sur le fruit, avec un bon équilibre, sans trop d'alcool. Si les vignerons ont un bon jugement sur les prix, des consommateurs s'y retrouveront et pourront se faire plaisir. »
[Photo de Stéphane Derenoncourt : Derenoncourt Consultants]