l y a quarante ans, le père de l'Å“nologie moderne, Emile Peynaud, estimait « qu'il n'y aurait désormais plus de mauvais millésime, juste des années difficiles ». Rappelée par l'Å“nologue Patrick Léon (anciennement vinificateur pour le château Lafite-Rothschild, Opus One...), cette prophétie illustre parfaitement le millésime 2013, ayant aussi bien subi les aléas climatiques que mis à profit les dernières technologies (comme le tri optique) et les outils d'aide à la décision (issus de la viticulture de précision). Mais « quel est l'intérêt des mesures de la viticulture de précision pour le millésime 2013 ? » se demandait Thibaut Scholasch, lors de la troisième conférence du millésime (organisée par la société qu'il a fondée, Fruition Sciences*). En effet, à Bordeaux « les décisions [de vendanges] ont été prises en fonction de l'état sanitaire : pourri ou pas pourri ».
Rejouant le millésime, David Pernet (fondateur de la société de conseil Sovivins) montre toutefois que les paramètres mesurés fournissaient bien un outil fiable de prévision, et de préconisation, à la veille des vendanges. Dans un contexte climatique de retard (marqué dès le printemps, mais « infléchi en juillet, le plus chaud enregistré ces 14 dernières années »), l'effet des terroirs a été particulièrement marqué, notamment sur le développement de Botrytis cinerea. Globalement, David Pernet estime que les « maturités technologiques ont été rattrapées par celles phénoliques, avec une évolution pelliculaire rapide. On a revu des niveaux des maturités à la vendange que nous pensions ne jamais revoir ! »
D'après les Analayses en Composantes Principales, faisant le point sur un ensembles de parcelles et cépages suivis sur toute la Gironde, 2013 est un millésime marqué par l'acidité, avec de faibles potentiels phénoliques et colorants. Les équilibres des vins restent marqués par des pH bas, même après fermentation malolactique. « Les teneurs en azote assimilable étaient relativement faibles, mais avec le peu de sucres en présence. Dans ce contexte, il n'y a pas eu de problèmes de fermentations ! C'était le retour de la chaptalisation » complète l'Å“nologue Paul Godard de Beaufort (Œnocente, Chambre Agriculture 33). Les deux experts s'accordent sur le potentiel des deux principaux cépages rouges bordelais : moyen pour le merlot (notamment à cause d'une faible charge tannique), végétal pour le cabernet sauvignon (fin de maturation sans contrainte hydrique).
* : société franco-américaine fondée en 2008, qui se définit comme une « brique d'agrégation », proposant des outils de mesure sur le terrain (flux de sève, potentiel foliaire...) et des logiciels de traitement des données pour adapter sp, itinéraire technique (enherbement, fertilisation azotée, éclaircissage, décision de vendanges...).
[Photo : Sébastien Payen (Fruition Sciences) ce 11 décembre, lors de la troisième conférence du millésime à Bordeaux]