Dans la pépinière européenne on joue tous la même partie de foot. Mais certains ont des baskets quand d'autres sont en chaussures de sécurité, avec des poids de 5 kilos à chaque pied » selon Pierre-Marie Guillaume (pépinières Guillaume, Haute-Saône), qui résumait ainsi le sentiment d'amertume de bien des pépiniéristes lors du onzième congrès de leur Fédération Nationale. Sans être au fond du trou (les congressistes se contentaient du Puy du Fou), ils tirent un constat alarmiste. « Il y a encore quelques années, la France était la reine de la pépinière viticole. Aujourd'hui nos clones font toujours référence, mais nous avons du mal à nous placer à l'export et rencontrons même des difficultés à résister à la concurrence étrangère sur le marché domestique » constate Gabriel Jenny (pépinières Jenny en Alsace, président de la Fédération Française des Pépiniéristes Viticoles).
Plus qu'un cri d'alarme, Miguel Mercier (directeur général des pépinières Mercier, Vendée) réclame « un moratoire sur les charges et les réglementations ». Au premier rang des charges incriminées se trouve le coût horaire du travail. La production d'un plant greffé-soudé en Italie ou en Espagne serait deux fois moins chère en terme de main d'Å“uvre. « Ce qui amène clairement une distorsion de la concurrence au sein de l'Europe, et nous lamine pour mieux nous éliminer de l'export » conclue Pierre-Marie Guillaume. La lourdeur des normes françaises pour obtenir le passeport phytosanitaire européen fait également grincer de nombreuses dents.
Convié au congrès, Jean-Charles Quillet (vice-président de la Fédération Nationale des Producteurs de Plants de Pomme de Terre) estimait cependant, en bon rugbyman, qu'il « faut retourner les contraintes, pour faire d'un effort réglementaire un avantage compétitif ». Dans sa filière, les démarches de traçabilité donneraient à l'export un net avantage à la filière hexagonale sur les Pays Bas (pays leader de la production de pomme de terre). Gardant leur optimisme, les pépiniéristes misent sur une sortie par le haut, et donc sur la qualité.
Pour marquer cette volonté d'action, la Fédération Française de la Pépinière Viticole a adopté ce 27 août la charte ENTAV INRA. Consolidant la marque de plants éponyme, cette charte doit notamment renforcer les liens de confiance avec la viticulture en faisant connaître les actions de sécurité sanitaire des pépiniéristes. Elle doit également préparer la filière à ses futures responsabilités de contrôle, si le désengagement des pouvoirs publics se poursuit.
[Photo : Miguel Mercier (pépiniéres Mercier) et Gabriel Jenny (président de la FFPV)]