012 aura été le premier millésime permettant au vignoble européen de produire des vins certifiés bio. Si la conversion d'un domaine conventionnel à la viticulture biologique dure trois ans, l'adoption de la nouvelle réglementation a du se faire en quelques mois. Chargée des missions qualité et œnologie, Valérie Pladeau (Sudvinbio) a réalisé une enquête pour déterminer si cette nouvelle réglementation avait modifié les pratiques oenologiques. Dans le Languedoc-Roussillon, 57 caves particulières (de tailles modestes) et 10 caves coopératives ont répondu à ses questions. A l'occasion des dernières journées techniques de l'Institut Technique de l'Agriculture Biologique à Avignon, Valérie Pladeau présentait ce bilan qui « donne une idée de ce qui a été modifié aux chais : il n'y a pas eu de changement radical. »
Globalement, les pratiques oenologiques sont inchangées car l'interdiction de recourir à des intrants oenologiques conventionnels n'est obligatoire que si un produit identique est disponible (en quantité) sur le marché. Pour le cas des levures, Valérie Pladeau a constaté que les souches certifiées bio étaient très peu utilisées. Les caves particulières interrogées privilégient d'abord les flores indigènes et les Levures Sèches Actives conventionnelles. Dans le cas des caves coopératives, les LSA non bio sont largement préférées aux souches certifiées bio. Le faible nombre de souches bio disponibles justifie le recours à celles conventionnelles. Celles certifiées présentent en effet peu de spécificités techniques (par rapport aux cépages, arômes...) et des vinificateurs craignent des difficultés fermentaires.
En fait, les impacts de la nouvelle réglementation se font principalement sentir sur un point très précis : l'obligation d'utiliser des matières agricoles certifiées bio. Les filières de production de Moût Concentré Rectifié ou d'alcool vinique certifiés bio sont cependant très peu développés actuellement. Faute de matière première, des Vins Doux Naturels potentiellement bio sont ainsi déclassés. Le problème de la disponibilité des intrants bio est à l'origine du principal flottement entourant la réglementation de vinification bio.
L'interdiction de certains produits peut également être problématique. C'est le cas de la PVPP, du sulfate d'ammonium... mais également de l'acide sorbique, fréquemment utilisé par les producteurs de liquoreux d'Aquitaine lors des mutages, comme l'indique Stéphane Becquet (Syndicat des Vignerons Bio d'Aquitaine). Certaines limitations sont également déstabilisantes, comme l’obligation de n'utiliser des enzymes ayant une action exclusivement clarifiante. « L'interdiction des enzymes ayant une action d'extraction est incohérente avec le fonctionnement des enzymes pectolytiques » commente Valérie Pladeau.
La réduction des teneurs en sulfites ne pose quant à elle pas de problème. Globalement les vignerons bio ne déclarent pas avoir modifié leurs pratiques pour réduire leurs taux de sulfites, témoignant d'orientations prise avant la nouvelle réglementation (notamment pour l'hygiène des caves). Si 80 % des sondés déclarent être dans une démarche de réduction des sulfites ajoutés dans leurs vins, ils le sont premièrement pour des raisons personnelles. Le règlement bio n'apparaît qu'en deuxième position, suivi par la demande particulière de clients ou le cas de « vinifications sans soufre ».