inspiration. De Rabelais (« Vin tant divin, loin de toi est forclose Toute mensonge et toute tromperie ») à Charles Baudelaire (« Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles »), en passant par Boileau (« On est savant quand on boit bien, Qui ne sait boire ne sait rien ») et Georges Brassens (« Le vin donnait un lustre au pire des minus, Et le moindre pochard avait tout de Bacchus »), le jus de treille abreuve les poètes depuis toujours. Il y a cinquante ans, en mars 1963, le pépiniériste Élie Gentié apportait sa pierre à l’édifice poétique du jus de treille avec son poème Si la vigne m’était contée, paru dans le journal national des pépiniéristes.
« Mon père aurait 121 ans cette année » rapporte Robert Gentié, qui a partagé ce poème avec la rédaction de Vitisphere, et qui précise : « Papa était né en 1902 et n'avait que son certificat d'études primaires qu'il avait passé à douze ans. Malgré cela, il ne faisait pas de fautes d'orthographe, et avait une écriture magnifique. La vigne était sa passion [qu’]il a su me transmettre. Il avait créé [en 1927 à Sainte-Livrade-sur-Lot, en Lot-et-Garonne] une pépinière de vigne que j'ai développée à mon tour, avant de la transmettre à mon fils », Patrice Gentié.
O vénérables ceps de nos coteaux dorés
Etendant vos longs bras sur des troncs surchargés,
Voulez-vous écouter, bercés par le zéphyr,
Le récit du destin qui vous a fait surgir
Des vieux temps nébuleux de notre préhistoire ?
Vous n'étiez, au début, qu'une liane sauvage
Ignorant les cités, éloignée des rivages
En un lointain Orient, au ciel d'un bleu d'azur,
Accrochant vos rameaux au rocher, à l'air pur.
Notre ancêtre Noé, avide de culture,
Guidé par l'intuition, s’en fut, un beau matin,
Prélever quelques baies, apparemment bien mûres ;
Après avoir goûté, il sema les pépins.
Quelques années après, avec foi et patience,
Et bons soins assidus, car c'était un malin,
Il obtint de beaux plants, garnis de bons raisins.
Son esprit en éveil et, par goût de sa science,
Il écrasa ces grappes : il en obtint du vin.
Ainsi donc, à ce jour, naquit ce fin breuvage,
La boisson des chaumières, et celle des palais ;
Ce bon jus naturel qui reçut les hommages
Des poètes d'antan depuis l'Antiquité,
Et par-delà les monts, les mers et les frontières,
Les Romains et les Grecs, et autres peuples heureux,
Les Princes et les Rois, tous les Grands de la terre
Le mirent en honneur dans leurs festins, leurs jeux.
Sous le ciel Aquitain, le Bordelais Ausone,
Par des vers éloquents, en Iatin exprimés,
Fit l'éloge du vin des coteaux de Garonne,
Et le recommanda à la postérité.
Le Pèlerin, jadis, loin de nos temps modernes.
Vers les Hauts lieux sacrés, ou l'on allait à pied,
Parmi les pieux objets enfouis dans sa giberne,
Sa gourde était par lui, soigneusement rangée.
Quand, parfois, harassé, vaincu par la fatigue,
Sur le bord du chemin Il arrêtait ses pas,
Le vin lui redonnait un courage mystique.
Il repartait confiant, et plus fort dans sa Foi.
Au temps des troubadours, mystérieux et austères,
En des terroirs fameux, de parfaits vignerons,
Auprès de beaux châteaux, aux vieux murs séculaires,
Donnèrent leur essor aux grands crus en renom.
Et quand beaucoup plus tard survint la Grande Guerre,
Qui soutint le « Poilu » dans son effort constant
Pour contenir le flot des armées étrangères.
Quel fut donc le secret qui le fit triomphant ?
Comment donc ce Héros, qui encor nous étonne,
Maintint bon son moral, résista au cafard,
Dans le froid des tranchées, dans les boues de la Somme ?
Bien sûr, c'est grâce au vin que l'on nommait « Pinard »!
Dans la Paix revenue, trônant sur notre table,
Au repas de famille, où l'on se réunit,
C'est comme du soleil, dans un site agréable,
Qui nous fait oublier les soucis de la vie
Vieux ceps que nous aimons, voilà donc votre histoire.
Vous pouvez être fiers, elle est chargée de Gloire.
Le vin a apporté, dans l'univers entier,
Le bout du savoir-vivre, la force et la gaité.




