Même faiblement, le pouls judiciaire de l’affaire 1855.com bat encore à la cour d’appel de Paris. Pas de fin de l’enquête ni de non-lieu pour la deuxième chambre de l’instruction. Dans un arrêt du 7 octobre dernier, la juridiction « ordonne la poursuite de l’information aux fins de réunir des éléments utiles à la manifestation de la vérité » pour la procédure portant sur des suspicions de « pratiques commerciales trompeuses, abus de confiance et escroquerie » du groupe 1855 qui a accumulé pendant des années les commandes non-livrées de grands crus achetés en primeur et en livrable à ses clients (sans les rembourser).
Avec 220 parties civiles et 1 183 plaintes recensées entre 2009 et 2013, cette affaire peut prétendre au titre de plus grosse escroquerie à la vente de vin en ligne. Placé en liquidation judiciaire à la toute fin 2014, le groupe enregistrait 11 000 créanciers réclamant 40 millions d'euros. Pour la chambre de l’instruction, « le caractère hautement répétitif des manquements aux obligations du vendeur procèdent d’une démarche systématique non conforme aux engagements venant tromper les clients ».


Soulignant que 99 % des clients du millésime 2009 en primeur n’étaient toujours pas livrés au 31 juillet 2012, les magistrats instructeurs sont clairs : « l’élément intentionnel de la pratique commerciale trompeuse est caractérisé d’une part par l’expérience de l’entreprise, sur le marché depuis 1995, cotée en Bourse, qui connaît des difficultés de livraison depuis de nombreuses années et qui, loin de modifier ses procédés commerciaux pour voir réduire le nombre de plaignants a au contraire vu croître considérablement le nombre de contrats non exécutés ». Pour la chambre de l’instruction, les investissements du groupe 1855 dans d’autres sites de vente en ligne (comme ChâteauOnline en 2011) témoignent d’une stratégie entrepreneuriale menée au détriment du service client (les fonds utilisés auraient pu rembourser les vins non-livrés).
Si ce dossier paraît imposant, son instruction semble bien timide. Après l’ouverture d’une information judiciaire le premier juillet 2013 (à la suite de plaintes reçues par la Brigade Interrégionale d’Enquête des Vins de la Direccte), les principaux acteurs de la société 1855 n’ont pas été entendus en tant que témoins assistés que le 15 novembre 2018 pour Fabien Hyon, le président du groupe, et le 24 janvier 2019 pour Emeric Sauty de Chalon, le directeur de l’entreprise.
A noter parmi les nombreuses parties civiles le conseil des grands crus classés en 1855, qui a porté plainte dès le16 janvier 2013 à Bordeaux, « en raison de nombreuses réclamations de clients non livrés, rejetant la responsabilité sur les châteaux producteurs » (la procédure bordelaise a été jointe à celle parisienne en 2016).