éclinés en « sel de Guérande », « poivre du Népal » et « truffe d’été », les paquets de marque « les chips de Margaux » du « domaine de la Croustille » affichent clairement leur ancrage dans le monde des grands vins médocains. « Cuisson au domaine » et « savoir-faire 100 % Médoc » en témoignent, malgré un siège social à Hourtins (commune côtière et non viticole). Un usage de l’univers du vin d’appellation qui hérisse le poil d’Édouard Miailhe, le président du syndicat viticole de l’AOC Margaux (65 châteaux adhérents) : « ce n’est pas normal de jouer l’amalgame entre Margaux et de la patate ! Il faut que cela cesse, Margaux est un nom extrêmement fort. Les viticulteurs* se défendent très bien en termes de qualité des vins et d’engagements environnementaux. Margaux est un nom à préserver et non à diluer. »
« On peut parler de parasitisme. Regarder ce qui marche et le copier, c’est injuste » confirme Jean-Baptiste Thial de Bordenave, le directeur du pôle vin du cabinet d’avocats DLLP, qui est en charge depuis un an de la protection juridique de l’AOC Margaux. Le juriste souligne que la société à l’origine de cette marque « est coutumière du fait, ayant par le passé tenté de commercialiser des chips "grands crus classés" » pour mieux valoriser ses produits. Se présentant comme des « chips d’excellence » à base de pommes de terre cultivées sur « les terres de Margaux », ces pommes frites affichent en effet des prix de ventes résolument élevés (3,50 € le paquet de 150 grammes).


N’ayant pas obtenu de réponses du domaine de la Croustille (Vitisphere non plus à date de publication), l’AOC Margaux va solliciter l’intervention de l’administration. Soit la répression des Fraudes et l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), afin de faire cesser la marque à l’amiable avant d’envisager une action en justice. « Dans 99 % des cas [d’usurpation], il n’y a pas de procédure comme les textes et la jurisprudence sont clairs » note Jean-Baptiste Thial de Bordenave, qui évoque les premiers dossiers suivis pour l’appellation : les bières et vinaigres de Margaux, clos à l’amiable.
À noter que l’appellation Margaux possède des particularités juridiques. Le nom est partagé par l’appellation et le château éponyme, qui double souvent les actions du syndicat par des procédures de protection de sa marque. Margaux est également un prénom, à la mode depuis que l’écrivain Ernest Hemingway l’a donné à sa petite-fille. Déconnecté de l’univers du vin, l’usage de Margaux en relation avec un prénom est toléré par le syndicat viticole. Margaux n’est cependant pas le nom de la commune girondine, baptisée Margaux Cantenac.
* : « La richesse de Margaux est de rassembler 21 grands crus classés en 1855, de belles marques historiques, des crus bourgeois, des crus artisans, des artisans vignerons et des microcuvées » souligne Édouard Miailhe.
« Seuls les producteurs de l’AOC Margaux peuvent utiliser Margaux » pointe Jean-Baptiste Thial de Bordenave. « Margaux est un nom à préserver et non à diluer » pointe Édouard Miailhe.