la lecture du Conseil Général de la Gironde contre les fléaux de la Vigne et du Vin sous la troisième République revivent tous les débats qui ont secoué le vignoble bordelais de 1870 à 1940. De l’incrédulité des professionnels face au développement du phylloxéra à l’arrêt des commercialisations avec la crise mondiale des années 1930, en passant par la lutte contre les fraudes par la délimitation d’aires d’appellation et le poids de la première guerre mondiale sur la main d’œuvre viticole. Ayant compulsé « des centaines d’heures de délibérations réparties dans plusieurs milliers de pages », le professeur Bernard Gallinato-Contino témoigne de la mobilisation des élus locaux pour soutenir une filière essentielle. Et dont ils sont souvent issus.
Publié aux éditions Féret (256 pages pour 39,50 euros), cette somme historique retrace notamment un débat d’actualité : l’enjeu de l’assurance récolte face à la récurrence des accidents climatiques. En 1935, de violents orages de grêles ravagent le vignoble bordelais et laissent en grande détresse leurs propriétaires. Les solutions de prêts bancaires nécessitant un soutien financier du département au crédit agricole (pour pallier aux emprunts déjà en cours), la proposition d’une caisse obligatoire d’assurance contre le gel, la grêle et les inondations revient à l’ordre du jour. Estimant que le sujet est national, le conseil général « émet régulièrement le vœu que le gouvernement fasse voter par le parlement une grande loi d’assurance pour les agriculteurs et les viticulteurs ». De véritables actions de lobbying sont alors déployées : rédaction de notes, envoi de délégations...
Déjà débattue sous le second empire et en 1910, l’idée d’une caisse d’assurance « se concrétise en 1924 avec une mutuelle-grêle départementale au lendemain de calamités destructrices », mais « son fonds de réserve bien faible ne lui permet par de répondre aux besoins de ses adhérents confrontée à des sinistres répétés ». Les subventions départementales annuelles de 30 000 francs ne permettent pas d’étendre l’adhésion à cette première caisse d’assurance permettant « de couvrir les frais d’exploitation, avec un maximum de 100 000 francs moyennant le paiement d’une prime de 3,5 % ». Cette première initiative étant infructueuse, le conseil général de Gironde « imagine la constitution d’une caisse d’assurance obligatoire » durant les années 1930.
Malgré l'unanimité locale, le projet ne réussira pas à se concrétiser : « le problème majeur concerne, comme toujours, les moyens financiers de l’institution. D’une part, elle ne pourra pas percevoir des cotisations très élevées de ses adhérents, en majorité petits exploitants et métayers. D’autre part, sur l’aide de l’Etat il ne faut pas compter, puisqu’il déclare ne pas avoir d’argent » résume Bernard Gallinato-Contino. Qui souligne qu’au-delà des enjeux de mise en place locale, le débat parlementaire national a rendu clivant le sujet d’assurance des risques climatiques. Envisageant une nationalisation des assurances, le gouvernement socialiste de l’époque n’a finalement pas apporté les solutions attendues par le conseil général.