es oreilles du Ministère de l’Agriculture ont dû siffler ce vendredi 29 mars après-midi. Réunis pour leur Assemblée générale, les Vignerons Indépendants de l’Hérault avaient choisi de débattre des mesures de l’OCM viticole. Tout au long de l’après-midi, responsables professionnels et vignerons ont exprimé leur ras-le bol face à la complexité des dossiers et à la difficulté de percevoir les aides.


Dans son rapport moral, le président François-Régis Boussagols, le dit clairement, il faut que ça change. Pour la prochaine OCM viticole, en cours de négociation, il réclame trois conditions :
« Un programme stabilisé sur la durée des 5 ans. Que l’Etat français fasse comprendre à la Commission qu’il est impossible de changer les règles en permanence. Des modalités de contrôle en rapport avec les objectifs du programme et pas cet empilement de mesures tatillonnes auquel le système est arrivé et qui met les porteurs de projet sous pression permanente. des mesures accessibles aux demandeurs »Le directeur Luc Cauquil, enchaine en soulignant : « Vous êtes de plus en plus nombreux à vous plaindre de la complexité des procédures. Nos services tirent la sonnette d’alarme. Face à la lourdeur des dossiers, aux dysfonctionnements des téléprocédures, aux aléas des contrôles, ils ne sont plus sereins au moment de valider les dossiers ».
Dans la salle les témoignages confirment cette exaspération. « ça fait 5 ans que j’ai engagé des dépenses commerciales pour lesquelles j’ai demandé l’aide à la promotion pays tiers. Je n’ai toujours pas été payée. Il y en a pour 35 000 €. Pour une petite entreprise comme la nôtre, c’est très lourd », dénonce Isabelle Coustal, vigneronne au Château Sainte Eulalie à La Livinière. Le cabinet d’étude Oréade-Brèche, missionné par la commission européenne pour évaluer l’OCM viticole, confirme ce qui paraît une évidence pour les vignerons : « On note une certaine complexité de la réglementation européenne telle qu’elle est interprétée par l’Etat français. Le Ministère de l’Agriculture demande beaucoup de justifications, il est très précautionneux, ce qui fait obstacle à une pratique fluide de ces aides », constate Alice Dévot, chargée d’étude au sein de ce cabinet.


Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé vin de France Agrimer, en remet une couche lors de son intervention. « Le Ministère de l’Agriculture a une interprétation de la réglementation européenne qui n’est pas la nôtre. Avec une surenchère dans les justifications à apporter aux dossiers, il ouvre le parapluie. Ce n’est pas normal. Tout comme il est inacceptable de proposer des téléprocédures qui ne fonctionnent pas. Pour la première fois cette année, nous risquons de rendre de l’argent à Bruxelles du fait d’une succession d’anomalies et de surenchères dans les procédures. Il faut faire changer les choses et vite », s’est-il enflammé. Il a également plaidé pour « un droit à l’erreur » : « Le président Macron a autorisé « ce droit à l’erreur pour tous », nous le réclamons pour les vignerons. Ce n’est pas acceptable qu’un vigneron puisse perdre tout ou partie des aides auxquelles il a droit tout simplement parce qu’il a coché la mauvaise case ». Bon élève et assidu tout l’après-midi, le sous-préfet de Béziers n’a pas cessé de prendre des notes en vue de relayer toutes ces doléances au Ministère de l’Agriculture. Sur le droit à l’erreur notamment, il a convenu qu’ « il y a une cohérence à trouver entre l’annonce du président et la position de la France face aux instances européennes ». Sera-t-il entendu ?
Les mesures de l’OCM viticoles sont efficaces : elles contribuent à l’accroissement des revenus des viticulteurs européens, à l’adaptation de leur production aux marchés et renforcent la compétitivité de la filière viticole européenne. Les stocks de vins ont diminué de 6% entre 2010 et 2016, le prix du vin a augmenté et il n’existe plus d’excédents structurels de vin en Europe. Telles sont les grandes lignes des conclusions de l’étude menée par le cabinet toulousain Oréade-Brèche sur l’évaluation de l’OCM viticole, qui sera rendue publique dans les prochains jours. L’aide à la restructuration est globalement la mesure la plus utilisée. Elle visait à accroître la compétitivité du vignoble européen par l’augmentation des rendements et la diminution des coûts de production. Cet objectif n’a pas totalement été atteint car elle a favorisé le développement des vignobles à IG avec des rendements plus limités, mais les vins sont plus qualitatifs et donc mieux valorisés. L’aide à l’investissement, également très appréciée, a permis une meilleure adaptation des vins aux marchés notamment avec le développement des rosés et des vins effervescents. Enfin l’aide à la promotion, peu utilisée en France, a en revanche été mise en Å“uvre massivement en Italie et en Espagne dans le cadre de stratégies collectives. Elle contribue elle aussi à l’amélioration de la rentabilité des exploitations grâce au développement de la vente directe, soulignent les auteurs. Oui, l’OCM Viticole a accru la compétitivité du secteur viticole européen, concluent-ils tout en soulignant que cette évolution s’est produite dans un contexte international plutôt positif avec un marché mondial du vin en croissance.