ans une thérapie de groupe, pour résoudre un problème il faut commencer par le nommer. D’abord évoquées sous le voile pudique d’une « instabilité de la dynamique commerciale », les difficultés commerciales des appellations Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc ont finalement été crûment qualifiées : une nouvelle crise couve. Pour éclater, ce diagnostic brutal aura nécessité un après-midi d’assemblée générale au syndicat viticole des AOC médocains, ce 28 mars à Saint-Germain-d’Esteuil.
« Les chais sont pleins et l’on est montré du doigt comme des pollueurs auxquels on achète le vin moins cher. Est-ce un malaise plus qu’une crise ? » s’emporte le vigneron Rémi Fauché, dans un monologue à la colère aussi vibrante que confuse. « Pour beaucoup d’entre nous, on est un petit peu dans la douleur. Depuis le deuxième semestre 2018, en gros le marché est en panne » tempère Claude Gaudin, le président de l’Organisme de Défense et de Gestion des appellations Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc.
Commercialement, ces trois appellations sont en effet dans une mauvaise passe. Premier débouché, le marché français est en repli, avec de fortes baisses en grande distribution en 2018 suite aux mauvaises foires aux vins d’automne : -7 % pour l’AOC Médoc, -12 % en Haut-Médoc et -8 % pour Listrac Médoc (selon les panels IRI). À l’export, le marché chinois a marqué le pas en 2018 (absorbant le tiers des expéditions médocaines), tandis que les marchés historiques affichent des décroissances continues (sur la décennie, les volumes ont été au moins divisés par deux vers la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis…). « La baisse des marchés traditionnels est forte. Elle a été un temps compensée par la Chine, mais plus maintenant » résume Guillaume Briot, du service économique du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB).
Alors que les sorties en vrac sont en chute pour l’AOC Médoc (-33 % sur la campagne en cours*), le statisticien note la plus forte dispersion des prix d’achat, qui sont de plus en plus tirés vers le bas. Sur les sept premiers mois de la campagne 2018-2019, 15 % des contrats en AOC Médoc ont été négociés sous la barre de 2 000 euros le tonneau. Une gamme de prix inexistante la précédente campagne. Désormais, le cours moyen de l’AOC Médoc se fixe à 2 250 €/tonneau (-6 % par rapport aux 2 390 €/tonneau de la campagne 2017-2018). Des constats qui font bouillir l’audience, où les critiques fusent sur des pratiques déloyales de négociants, retenant un maximum leurs commandes pour peser sur les cours. Ce qui n’est pas sans raviver les souvenirs douloureux de la crise de 2008.


« Il faut qu’à un moment donné, on accepte de se dire entre nous qu’il n’y a pas que des problèmes conjoncturels. Il y a aussi des problèmes structurels, dont il faut faire l’inventaire pour que l’on essaie de les traiter » pose Claude Gaudin, qui balaie les enjeux de quantité et de qualité de production, de l’image et de la perception des vins médocains… « Aujourd’hui, nous sommes dans le constat. La volonté de faire bouger les lignes doit venir des viticulteurs pour travailler sur les sujets. Aujourd’hui, je n’ai pas de solution à vous proposer pour que cela aille mieux dans trois mois » lance le président de l’ODG. La thérapie est lancée, avec la perspective de réunions locales pour créer des groupes de travail et faire émerger les solutions aux problèmes diagnostiqués.
* : Sachant que la tendance de la baisse des commercialisations en vrac pour l’appellation Médoc s’inscrit dans un repli global des rendus mises, passés en une décennie de 40 à 10 000 hl échangés en moyenne par campagne.