Décidément, les tensions commerciales sont dans l’air du temps. Outre la menace qui pèse sur les vins américains sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, cette dernière se serait offusquée de commentaires concernant une prétendue ingérence dans les affaires intérieures australiennes. Résultat : selon certaines sources, les douanes chinoises feraient preuve de zèle dans le dédouanement des vins australiens. Par voie de presse, des entreprises de premier plan comme Pernod-Ricard et Treasury Wine Estates ont affirmé que leurs expéditions vers la Chine étaient restées dans les zones portuaires, les autorités chinoises prétextant des vérifications supplémentaires des certificats d’origine. Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères, Lu Kang, a déclaré fin mai qu’il n’en était rien et que les douanes et l’administration générale du contrôle de la qualité, de l'inspection et de la quarantaine géraient les formalités selon la procédure normale.
Vérification plus poussée des certificats d’origine
« Nous pouvons confirmer que quelques entreprises vinicoles australiennes ont déclaré subir des retards dans le processus de dédouanement en Chine », a affirmé pour sa part, Anita Poddar, responsable des affaires générales auprès de Wine Australia. « Ces problèmes sont en train d’être traités en fournissant des informations supplémentaires aux autorités chinoises ». Pour le directeur général de la Winemakers’ Federation of Australia, Tony Battaglene, les problèmes seraient « principalement dus au changement de structures bureaucratiques chinoises, entraînant une augmentation des vérifications requises. Les retards sont en train d’être résorbés ».
Si Wine Australia cherche à relativiser l’affaire, en précisant que seules quelques entreprises étaient concernées parmi les 1 739 exportateurs homologués pour exporter vers la Chine, la WFA parle de problèmes plus étendus : « Les premiers rapports faisaient état d’un petit nombre d’entreprises impactées, alors qu’il semblerait à l’heure actuelle que les difficultés soient plus généralisées en raison d’une modification des procédures à l’importation », explique Tony Battaglene. En cause notamment, une vérification plus poussée des certificats d’origine des vins australiens : « Ces certificats permettent aux exportateurs australiens d’obtenir un accès tarifaire préférentiel. Au cours des 12 derniers mois, les exportations de vin australien vers la Chine ont augmenté de 40 à 50 %, ce qui a alourdi la charge administrative des douaniers chinois ».
En effet, les vins australiens connaissent un véritable boom sur le marché chinois, fortement appuyé par la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre les deux pays en 2015. L’Accord a permis de réduire de manière significative les droits de douane qui sont passés de 14% auparavant à environ 2,5% à l’heure actuelle avant d’être totalement éliminés au 1er janvier prochain. Par conséquent, les exportations annuelles sont passées de 211 millions AUD il y a trois ans, à plus d’un milliard en 2018, soit près de deux fois le chiffre d’affaires enregistré sur le deuxième marché en valeur, à savoir les Etats-Unis. Si la Chine ne représente que 19% des exportations australiennes en volume, elle détient 33% en valeur, témoignant ainsi de la belle valorisation des vins australiens ; le prix moyen FOB au litre se situe désormais à près de 4 euros. Ce succès tranche avec les déboires que l’Australie a connu sur un autre marché de premier plan, celui du Royaume-Uni, où 80% des vins sont exportés en vrac pour une faible valorisation.
Les touristes chinois, autre manne financière
C’est dire à quel point la Chine relève d’une importance capitale pour les exportateurs australiens. Ces derniers redoublent d’ailleurs d’efforts pour séduire acheteurs et consommateurs chinois : après s’être distinguée comme pays hôte de Vinexpo Hong Kong en mai, où Wine Australia a signé un protocole d’accord avec le géant du commerce électronique Alibaba, l’Australie a organisé début juin un roadshow dans les villes de deuxième rang que sont Shenyang, Jinan et Wuhan pour clôturer la tournée à Shanghai le 11 juin. L’apport de la Chine à l’économie australienne ne se chiffre pas uniquement en exportations. D’après un bilan du Bureau australien des statistiques, le nombre de touristes chinois en visite en Australie a atteint le niveau record de près de 1,4 million, dépassant pour la première fois les Néo-Zélandais. Et selon certains observateurs, le flux annuel de visiteurs chinois pourrait doubler au cours de la prochaine décennie.
Pour l’heure, les récentes tensions ne semblent pas avoir impacté le courant d’affaires entre les deux pays : « La Chine continue d'être un marché en croissance où les retards n'ont pas eu d'impact sur la demande en Chine ni sur le volume des exportations de vin », affirme Tony Battaglene. Reste à savoir si des sentiments nationalistes et appels au boycott formulés par certains média chinois seront suivis d’effet.