Une chaîne de supermarchés allemande vend un sorbet qui contient du champagne, distribué sous le nom Champagner Sorbet. Cette manière de procéder est-elle légale, ou le fabricant et distributeur du sorbet profitent-ils en réalité de la réputation du vin mousseux français doté d’une appellation d’origine protégée ? » Cette question ne marque l’examen de fin d’étude du master 2 droit de la vigne et du vin de Bordeaux, mais une demande de décision préjudicielle. Telle qu’elle a été formulée il y a un an par la Cour Fédérale de Justice Allemande à la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Devenue l’affaire C‑393/16, cette procédure est ouverte depuis 2013 par le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, qui demande l’arrêt de la vente du sorbet à la chaîne Aldi.
Pour les Champenois l’affaire est entendue, la mise en avant de flûtes et de bouteilles de champagnes témoignent de la volonté d’usurper la réputation du vin effervescent au profit d’une glace. Pour la chaîne allemande de hard-discount, la recette de Champagner Sorbet est traditionnelle et son packaging en ligne avec les qualités essentielles du produit. Après une victoire en première instance, le Comité Champagne a perdu en appel et attend les décisions des cours de justice allemandes et européennes.


Avocat général de la CJUE, Campos Sánchez-Bordona, vient de publier ses conclusions, semblant aller dans le sens de la vision française des indications géographiques. « Sans vouloir s’attribuer la compétence de la juridiction de renvoi, et sous réserve du fait qu’elle seule est à même d’apprécier pleinement les faits en cause », l’avocat général estime « toutefois que la présence de ces éléments graphiques sur l’emballage du produit contribue à renforcer l’évocation de l’AOP Champagne. Par leur utilisation, en plus de celle du nom Champagner Sorbet, le producteur et le distributeur souhaitent que viennent à l’esprit du consommateur la qualité et le prestige associés à cette AOP, qu’ils tentent d’étendre au sorbet » avance-t-il.
« Nous accueillons favorablement cet avis, qui prend acte que la présentation du produit, avec bouchon et flûtes, exploite la réputation du Champagnes » confie Thibaut Le Mailloux, le directeur de la communication du CIVC. Après avoir lutté contre des foies gras au champagne en 2014, le Comité Champagne espère une décision européenne en sa faveur pour être bordé au niveau communautaire. Ce jugement sera « l’occasion d’élargir jurisprudence aux situations dans lesquelles un vin mousseux (champagne) protégé par une AOP est utilisé — et est inclus dans la présentation — comme ingrédient dans une denrée alimentaire » souligne lui-même l’avocat général Campos Sánchez-Bordona.
« Attendu dans quelques mois, l’arrêt de la Cour de Justice Européenne sera important. Il donnera des lignes directrices pour le secteur alimentaire dans la mise en avant des ingrédients » conclut Nathalie Marty-Houpert, la nouvelle responsable du service juridique de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO).