Le rôle capital joué par la contre-étiquette est souvent sous-estimé par les metteurs en marché qui, au pire omettent d’en apposer, et au mieux se limitent souvent à des informations d’ordre plutôt technique. Certes, l’étiquette peut déjà être perçue par les consommateurs comme une somme d’informations relativement complexes, et les opérateurs sont en droit de se demander si trop d’info ne tue pas l’info. Mais, une expérience menée récemment par l’Ecole de l’Agriculture, de l’Alimentation et du Vin auprès de l’Université d’Adélaïde montre qu’à l’heure actuelle, les consommateurs sont très sensibles à des descriptifs plus personnalisés et plus détaillés, et que ces derniers permettent d’améliorer l’expérience globale. L’étude, publiée dans le journal « Food Research International », a ses limites : elle concerne 126 consommateurs réguliers de vins en Australie et porte sur des vins blancs australiens. Mais dans la mesure où les grandes tendances marketing se mondialisent de plus en plus – internet et les réseaux sociaux, entre autres, obligent – il semble raisonnable de pouvoir extrapoler ses résultats et les transposer à d’autres marchés.
Le storytelling en train de gagner les contre-étiquettes
Les chercheurs australiens, dont les travaux ont été financés à hauteur égale par les producteurs à travers Wine Australia et par le gouvernement australien, ont présenté trois types d’étiquette dans trois situations différentes : une dégustation à l’aveugle sans information ; la mise à disposition d’un descriptif sensoriel basique ; et la mise à disposition d’un descriptif détaillé/émotionnel. Les trois vins blancs, un chardonnay, un riesling et un sauvignon blanc disponibles dans le commerce, étaient les mêmes à chaque fois. La présentation du descriptif plus élaboré, qui comportait des informations sur l’histoire de la cave et des mentions valorisantes sur la qualité du vin, faisait augmenter de manière significative le taux de préférence exprimé par les consommateurs vis-à-vis du vin en question.
Des allégations véridiques et adaptées aux us et coutumes
Par ailleurs, les résultats ont montré que si les attentes provoquées par le descriptif étaient satisfaites au moment de la dégustation, les émotions générées étaient beaucoup plus positives que si le vin ne répondait pas à ces attentes, d’où l’importance d’apposer des allégations fondées. Certains dégustateurs et chroniqueurs, comme David Cobbold des 5 du Vin, ont déjà souligné l’écart important qu’il peut y avoir entre le commentaire de dégustation sur la contre-étiquette et la réalité, de même que l’effet rebutant d’un discours pompeux. Soulignons également l’impact contre-productif de suggestions d’alliances mets et vins qui ne sont pas en accord avec la gastronomie locale. L’idée de marier un vin avec des escargots, par exemple, ne viendrait pas à l’esprit d’un Anglo-saxon – les suggestions adaptées aux différents marchés seront d’autant plus efficaces.
Faire appel aux consommateurs
« Des descriptifs portant sur le vin et le producteur qui sont écrits de manière intelligente sont susceptibles de susciter des émotions plus positives lors d’une dégustation à l’aveugle, améliorant notre perception positive d’un vin, notre jugement qualitatif et la somme que nous serions prêts à débourser pour l’acheter », explique le professeur Sue Bastien, en charge du projet. Tout en reconnaissant qu’il y a eu pléthore d’études sur l’importance des étiquettes de vin et leur impact sur l’acte d’achat, celle-ci affirme que les travaux australiens « étendent la portée des conclusions précédentes pour montrer que les descriptifs sur le vin ont une influence sur notre expérience globale de consommation ». D’après le Dr Lukas Danner, auteur principal de l’étude, « ces conclusions ont des implications importantes pour les producteurs de vin et le secteur Horeca, dans la mesure où les descriptifs nécessitent plus de contenu que de simples commentaires de dégustation… Les entreprises devraient même envisager d’impliquer des consommateurs s’ils veulent optimiser les descriptifs apposés sur les étiquettes ».
Serait-ce à propos de faire un détour par d’autres univers que celui du vin pour voir comment certains produits alimentaires utilisent à bon escient la surface du contenant pour réaliser un travail de marketing efficace ? Certes, les jus de fruits et smoothies n’ont pas les mêmes contraintes réglementaires que le vin et les boissons alcooliques, mais il y a sans doute là des idées à creuser, dès lors qu’on est armé d’un esprit d’ouverture et disposé à s’écarter des codes classiques. La marque « Innocent » mise sur l’humour (très décalé) pour faire entrer les consommateurs dans son univers. Elle crée un véritable sentiment d’appartenance. Certaines cuvées de vin en ont fait autant mais il faut reconnaître que c’est plutôt rare. Est-ce parce que les consommateurs souhaitent préserver les codes du vin ou parce que les metteurs en marché restent frileux… ?