lors que le vignoble girondin est encore groggy par le gel 2017, « l’augmentation du rendement 2016 peut paraître incongrue. Mais on risque d’envoyer à la distillerie des vins du dernier millésime, alors que celui qui est sinistré. Pour résoudre cette situation ubuesque, on cherchons à inventer une mesure exceptionnelle moderne » explique Stéphane Héraud, dans ses derniers instants à la présidence de la Fédération des Caves Vinicoles d’Aquitaine.
Cette idée d’augmentation rétroactive a été saisie à Bergerac et Bordeaux, et vient d’être votée le 29 mai par le Comité Régional de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (CRINAO). L’adoption a été quasi unanime – l’administration s’est abstenue. Elle propose une hausse de rendements pour une quarantaine d’AOC bordelaises (par exemple +4 hectolitres par hectare pour l’AOC Bordeaux, dont le rendement autorisé est ainsi passé de 58 à 62 hl/ha, le niveau butoir). Reste au comité national de l’INAO d’adopter le dispositif lors de sa réunion du 15 juin, le ministère de l’Agriculture devant ensuite donner son arbitrage. La mesure pourrait être opérationnelle cet été, assurant une commercialisation complémentaire.
Plus globalement, « il faut profiter de ces moments difficiles pour faire évoluer les outils » annonce Stéphane Héraud. En tant que président de l’Assemblée Générale de la Production Viticole, il va prochainement soutenir des demandes d’évolutions nationales du Volume Complémentaire Individuel*. Notamment une hausse de la capacité de constitution annuelle, aujourd’hui limitée entre 5 et 6 hl/ha, qu’il souhaite voir augmenter jusqu’au niveau du rendement butoir de l’AOC. Il préconise également une croissance du VCI cumulé. Actuellement limité à 18 à 22 hl/ha, il souhaite une hausse au niveau du demi-rendement.
L’élu a également martelé que l’assurance récolte est le seul dispositif, avec le VCI, permettant aux exploitations de passer le coup dur du gel. « Il y a encore des améliorations à apporter sur le contrat socle, mais c’est une erreur stratégique de ne pas s’assurer. Il faut être plus persuasif, et je vous engage dans vos coopératives à mettre en place des dispositifs d’assurances obligatoires » encourage Stéphane Héraud. Tout en reconnaissant que l’initiative peut paraître dictatoriale, il souligne qu’elle peut permettre de sauver des exploitations, et des familles. Présidant la cave de Tutiac, il a d’ailleurs fait voter à son assemblée générale du 30 mai l’obligation d’assurance pour 2018.


Un mois après le gel, les dispositifs de soutien du vignoble se mettent progressivement en place, tandis que les estimations des dégâts restent complexes. Les témoignages des représentants de caves coopératives laissent entrevoir 40 à 60 % surfaces touchées. Avec une grande hétérogénéité, entre de vastes zones ravagées dans les vignobles de Bergerac (principalement sur la rive droite de la Dordogne), de Bordeaux (comme les Côtes de Blaye et de Bourg, l’Entre-deux-Mers, le Libournais, le Sauternais…) ou de Cognac (avec 40 000 ha touchés, dont 15 000 ha à plus de 80 %), et d’autres bassins touchés plus ou moins ponctuellement, se sentant presque épargnés en regard (Buzet, Jurançon, Marmande, Médoc, Tursan…).
Dans la salle, le moral oscille entre les extrêmes, ceux optimistes attendant la reprise de la végétation pour juger de la chute de la production, tandis que ceux pessimistes découvrent sur les grappes qu’ils pensaient épargnées des dégâts inattendus. « Si on fait une demi-récolte, ce sera un miracle » soupire Stéphane Héraud.
* : en Gironde 400 000 hectolitres de VCI sont constitués, soit l’équivalent de 8 % d’une récolte.
Pour les dégâts de gel jeunes plants de vigne en première, deuxième et troisième feuilles, la Direction Départementale des Territoires (DDT) annonce une mission d’enquête en Gironde le 14 juin. Son but est de permettre à un Comité Départemental d’Expertise de reconnaître des pertes de fond en septembre, pour un classement en calamités agricoles en fin d’année. Un dispositif auquel les pertes de récolte viticole ne peuvent plus prétendre. Les indemnités sont fixées selon des barèmes de densité de plantation et de mortalité. Pour une plantation à 4-6 000 pieds/ha, le plafond est de 16 000 euros pour des vignes de première année. Il augmente de 4 200 € deuxième année, et d’autant en troisième année.