Il faut savoir que les pesticides sont faits pour pénétrer les cellules animales ou végétales. Que ce soit pour tuer l’insecte ou le champignon ou la mauvaise herbe. Ils ont un fort pouvoir de pénétration dans les organismes, mais aussi au niveau des combinaisons » explique le maître de conférences Alain Garrigou (université de Bordeaux et INSERM). Éclairant de son expertise en ergonomie la réunion du Collectif Info Médoc Pesticides, ce 22 mars à la salle des fêtes de Saint-Estèphe. Chaque molécule active ayant ses propres modalités de pénétration, les matériaux constituant les combinaisons de protection des préparateurs et tractoristes ne peuvent répondre à toutes les possibilités explique le chercheur. Qui conclut implacablement qu’« aujourd’hui, une combinaison qui protège efficacement de tous les produits chimiques, cela n’existe pas ! »
L’expert assume d’autant plus sa position que les autorisations de mise sur le marché des phytos sont désormais accompagnées de conseil de port des Équipements de Protection Individuelle (EPI). « Ce qui veut dire que sans ces combinaisons, vous êtes en situation dangereuse » résume Alain Garrigou, qui s’inquiète d’un transfert de responsabilité des autorités publiques et des fabricants de pesticides « sur le dernier maillon de la chaîne ». Nuancé, il ajoute que « les combinaisons peuvent être efficaces, certes, mais ce n’est pas la panacée. En l’état, il faudrait jeter tous les jours sa combinaison pour avoir un niveau de perméabilité qui soit acceptable. »
Plaidant pour une prévention plus efficace du risque phyto auprès des exploitants et travailleurs viticoles, Alain Garrigou démonte également quelques idées reçues. Réalisant en propriété des mesures de contamination* des personnes et équipements, il fait part d’une surprise : « souvent on a tendance à croire que le risque des pesticides passe avant tout par les poumons. Or nos études démontrent que 90 à 95 % des produits passent par la peau. » Si l’exposition phytosanitaire n’est pas principalement respiratoire, mais cutanée, certains réflexes doivent être révisés. Le chercheur évoque ainsi l’exemple d’un viticulteur qui met « un masque quasiment de cosmonaute » pour préparer phytos, mais rentre dans sa cuve en short pour la déboucher…
Si le danger des contaminations directes, lors du mélange ou du traitement des produits, semble évident, les études démontrent également l’importance d’expositions indirectes. « Durant les traitements, le tracteur et le pulvé vont être recouverts de produit. Chaque fois que les agriculteurs vont aller au contact de ce matériel, c’est le produit rémanent qui va passer » alerte Alain Garrigou. Or l’accumulation des molécules, traitements après traitements, n’est pas neutre si le matériel de pulvérisation n’est pas fréquemment lavé à fond. « Il nous est arrivé plusieurs fois de mesurer que le produit trouvé en plus grande concentration un jour de traitement, ce n’était pas celui utilisé le jour même, mais celui utilisé jusqu’à un mois avant… » conclut l’universitaire.
* : Par la pose et l’analyse fine de patches de gaze.