C’est en tout cas le message qu’ont voulu faire passer responsables professionnels et analystes économiques le mois dernier lors de la traditionnelle journée d’information organisée au Cap sous l’égide de Vinpro. Tout d’abord, en citant les performances à l’export en 2016, année où les valeurs engrangées ont progressé de 10 % pour une hausse en volume de 3 %. Seul bémol, une part majoritaire des 4,28 millions d’hectolitres exportés l’an dernier l’ont été en vrac. Représentant seulement 39 % des exportations, les expéditions conditionnées restent très en deçà des 60% fixés dans le cadre du plan stratégique WISE à horizon 2025. Il n’en reste pas moins que la progression des valeurs est de bon augure et pourrait se confirmer cette année en raison d’une conjugaison de facteurs positifs.
Une production limitée cette année
Tout d’abord, la récolte 2017 s’annonce relativement faible en volume, les prévisions actuelles faisant état d’une production de l’ordre de 1,4 million de tonnes. Si celles-ci se confirment, les volumes seraient identiques à ceux de 2016, qui étaient inférieurs de près de 5% à ceux de 2015, eux-mêmes en régression de près de 3% à ceux de 2014. Puis, si le rendement à l’hectare est en hausse constante ces dernières années – passant de 10 à 14 tonnes entre 2005 et 2015 – les nouvelles plantations sont inférieures aux arrachages depuis plusieurs années. Selon Vinpro, en 2015, si 2 000 hectares ont été plantés, près du double a été arraché, les producteurs étant attirés par des cultures plus rentables comme les fruits à coque. Pour 2016, la superficie plantée est estimée à 96 753 hectares par Sawis. La sécheresse, conjuguée à certains phénomènes plus localisés comme les gelées dans le Breedekloof et des incendies dans le Somerset West, aura eu un impact sur les volumes attendus cette année même si la gestion des ressources hydriques s’avère plutôt bonne.
Des stocks au plus bas
Enfin, autres facteurs positifs en ce début d’année : le niveau des stocks, le rythme des retiraisons et le développement du marché domestique. D’ici fin 2017, les stocks devraient ainsi atteindre leur niveau le plus faible depuis 5 ans, à la fois grâce à une plus petite récolte et à la progression de la demande locale. Au cours des deux dernières années, 500 000 hl de plus ont été consommés au niveau national. Même si l’essentiel de ces volumes portent sur les BIB, l’augmentation reste significative et doit être confirmée en encourageant la consommation de vins plus qualitatifs. Par ailleurs, selon le courtier international Ciatti, l’accélération des retiraisons depuis la fin de l’année dernière a provoqué une hausse des prix sur les stocks de vins issus de 2016. « Les caves s’attendent à une hausse comprise entre 5 et 10 % pour les vins élaborés en 2017 par rapport à 2016, l’augmentation moyenne devant se situer autour de 7-8 %. Cette progression est liée à la demande, mais aussi à la volonté du secteur vitivinicole sud-africain d’améliorer sa rentabilité à tout prix ; les tarifs sont trop faibles depuis une dizaine d’années ».
Appel à l’arrêt du dumping à l’export
En termes de rentabilité, en effet, des progrès importants restent à faire. Seul un tiers des producteurs de raisins est jugé rentable et le retour sur investissement est passé en dessous de la barre des 1 %. Selon Vinpro, le revenu moyen des viticulteurs s’élève à 45 000 Rand (soit environ 3 250 euros) à l’hectare contre un seuil de 75 000 Rands jugé rentable (5 500 €). « Nous devons faire progresser nos prix de manière collective », a affirmé le président de Vinpro Anton Smuts. « Arrêtez de faire du dumping à l’export, cela porte atteinte à l’ensemble de la filière ». L’observatoire espagnol du marché du vin (OeMV) confirme que pendant les douze mois se terminant en juin 2016, le vrac sud-africain était positionné autour de 60 centiùes le litre, soit le tarif le plus faible au niveau mondial, après l’Espagne ; en 2013, suite à la très petite récolte espagnole de 2012, les deux pays étaient même au coude à coude au niveau tarifaire. La rentabilité de la filière a été impactée par une sécheresse prolongée dans certaines régions, un positionnement prix qui n’évolue pas et l’inflation des coûts. Paradoxalement, l’absence de rentabilité pour une majorité de producteurs n’a pas entraîné de phénomène de concentration : si le plus gros producteur détient une part de 30,5 %, les quatre premiers ne dépassent pas 36 % contre 90 % au Chili par exemple, ou 60 % en Argentine.
La Chine arrive-t-elle à la rescousse ?
Ces chiffres tranchent avec les objectifs fixés à horizon 2025. Le plan stratégique WISE prévoit en effet, de faire passer le retour sur investissement à 5 %, contre 1 % actuellement, et d’inverser le rapport entre le vrac et la bouteille à l’exportation pour arriver à un rapport de 40/60. Outre le développement du marché local – pour parvenir à des ventes annuelles de 4,5 Mhl – le secteur vise à s’implanter davantage en Afrique en général, mais aussi aux Etats-Unis et en Chine. Il cherche à faire passer la part respective de ces marchés de 5 %, 3 % et 2 % à 10 %, 7 % et 7 %. Ces trois zones se caractérisent par leur forte valeur ajoutée, car si elles représentent 11,4 % en volume, elles génèrent 20 % des exportations en valeur. La Chine, plus particulièrement, se distingue par son dynamisme avec +19 % environ par an en valeur.
En Europe, l’Afrique du Sud bénéficie depuis janvier 2017 d’un contingent à droit nul de 1,1 Mhl dont le secteur entend profiter pour améliorer la valorisation de ses vins. Enfin, plus globalement, il va tenter de s’orienter vers une approche dictée par la demande, au détriment de l’offre, ce qui impliquera l’élimination d’un excédent de 80 000 tonnes de raisins d’ici 2025 pour parvenir à l’équilibre. La demande sera stimulée, entre autres, par l’oenotourisme, un nouveau plan d’action devant intervenir cette année avec comme finalité de générer un chiffre d’affaires de 15 milliards de Rand (soit environ 1 milliard d’euros) en 2025 contre 6 milliards actuellement.
Une conjoncture favorable à une nouvelle orientation
Autant dire qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Après avoir bradé ses vins pendant plusieurs années, le secteur aura du mal à convaincre ses clients de monter en gamme. Mais, il bénéficie d’une conjonction de facteurs positifs à l’heure actuelle ainsi que d’un argument de vente non négligeable : récemment dénoncée pour des pratiques manquant d’éthique, la filière devrait pouvoir s’appuyer sur ses initiatives en matière de commerce équitable pour opérer une hausse de ses tarifs, au nom d’une amélioration des conditions de travail des ouvriers. De même, après des campagnes d’arrachages dans plusieurs pays producteurs, l’offre mondiale semble globalement s’équilibrer et offrir la possibilité de répondre à une demande de premiumisation exprimée sur différents marchés. La volonté sud-africaine de s’éloigner d’une approche axée sur la quantité au profit de la qualité pourrait bien se concrétiser dans le contexte actuel.